Annie Ernaux, Les Années :
Les voix transmettaient un héritage de pauvreté et de privation antérieur à la guerre et aux restrictions, plongeant dans une nuit immémoriale, « dans le temps », dont elles égrainent les plaisirs et les peines, les usages et les savoirs :
habiter une maison en terre battue
porter des galoches
jouer avec une poupée de chiffon
laver le linge à la cendre de bois
accrocher à la chemise des enfants près du nombril un petit sac de tissu avec des gousses d’ail pour chasser les vers
obéir aux parents et recevoir des calottes , il aurait fait beau répondre
Recensaient les ignorances, tout l’inconnu et le jamais d’autrefois :
manger de la viande rouge, des oranges
avoir la sécurité sociale, les allocations familiales et la retraite à soixante-cinq ans
partie en vacances
Rappelaient les fiertés :
les grèves de 36, le Front populaire, avant, l’ouvrier n’était pas compté.