Conversation entre Toni Negri et Hans Ulrich Obrist :

Il y a une disqualification définitive de la classe ouvrière traditionnelle, disqualification qui passe notamment par la destruction du lieu de la classe ouvrière par excellence, à savoir l’usine. Mais cela va au delà, c’est plus général que cela, car on pourrait dire que ce n’est que le symptôme de la disparition de l’espace productif en tant qu’espace défini.

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Aujourd’hui, la ville, et la métropole en particulier, sont devenues directement productives.
Maintenant, en quoi consiste précisément cette production ? Je dirais que la production dont je parle réside dans le mouvement et dans le lien entre les gens. Elle est dans la construction des coopérations urbaines, dans la liberté et dans l’imagination des gens qui la déterminent et la provoquent.
Même au Brésil. On dit couramment « mais il y a tellement de misère …» et, bien sûr, c’est vrai ! seulement j’ajoute : « allez donc regarder ce qu’il y a dans cette misère. » Car dans cette misère, dans ces favelas, ou, à une autre échelle, dans ces quartiers, il y a une incroyable capacité de créer. De la musique, des savoirs, des aides, des innovations, des rapports entre les gens…

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Mais par quoi passe-t-il, ce rapport entre la multitude et le nouveau projet démocratique sinon par l’idée qu’il faut reconstruire les choses d’en bas ? Il faut que ce mouvement vienne d’en bas. Parce que là, en novembre 2005 (lors des émeutes des banlieues parisiennes), on était vraiment au cœur de toutes les contradictions de notre société. La contradiction de notre société qui est essentiellement fordiste, c’est qu’elle vit à l’heure actuelle une grave crise de son modèle, parce qu’elle n’a pas réussi à faire jouer la démocratie pour les nouvelles générations.
On a appelé ces gens à venir du monde entier pour les faire travailler dans les usines, mais dès que les usines se sont mises à fermer, on les a enfermés dans des ghettos. Et on a pas eu l’imagination, ni la force, de placer tout ce monde là dans une circulation vivante, ou on n’a pas su utiliser toute la créativité potentielle qui gisait là.
On parle constamment de « déclin » mais le seul déclin que je vois, moi, c’est celui de notre propre inventivité et de notre propre force. C’est le fait que l’on a pas réussi ou que l’on a pas même voulu intégrer l’intelligence et la richesse de l’immigration dans un mouvement de circulation réel.

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La pauvreté et l’amour sont les deux choses les plus importantes dans un projet révolutionnaire. Il faudrait pourvoir construire une ville à partir de la pauvreté et de l’amour, avec en arrière plan une question essentielle : comment fait-on pour aller de la pauvreté à la richesse en passant par l’amour ?

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