C.Haman-Dhersin, Paysage de Claude Simon

…La mer la plus placide, dont l’étendue sereine pourrait apparaître à son contemplateur allégorique de l’immuable, se révèle à qui la scrute infiniment changeante. L’oeil pourrait se satisfaire de sa perception première, mais le paysage observé perdrait alors tout son intérêt, qui retient l’attention parce qu’il est confirmation de ce que le monde n’est qu’une « branloire pérenne », de ce que l’immobilité n’est qu’un leurre. Il illustre l’omniprésence des champs de forces antinomiques qui s’exercent sur un univers en tension permanente sous la sérénité de surface. Chaque nouvel instant nécessiterait une nouvelle description, quelque chose a déjà changé dans la configuration d’ensemble, et l’écriture s’épuiserait à vouloir le traduire comme le regard est impuissant à saisir ces infimes modifications. Tout paysage, même le plus paisible, est impossible à peindre, car l’on se voit contraint d’introduire une part de fixité dans ce qui révèle essentiellement du mouvant. Pour le signifier, le texte recourt à une multiplicité de termes en renvoyant aux modifications continuelles des plus petits détails…, incapable, comme l’oeil lui-même, de percevoir autrement qu’en surface l’insaisissable des variations…

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