Madame Delplanque nous emmène tous.
Elle dit Si vous avez du temps je peux y passer des heures, mais vous aurez peut-être faim, moi ça va mon repas est prêt.
Madame Delplanque sait se promener en superposant les images, elle décrit ce qu’il y a tout en évoquant ce qu’il y avait avant. Les barres de corons et les corons carrés, les anciennes pâtures à présent construites, le jardin du presbytère où on faisait la maraude, enfant, l’église, qui était un puits de mine. Sur le parking devant la supérette, un camion annonce en guise de réclame Ensemble réalisons vos projets. Au rond-point, éloquente devant les voitures qui couvrent presque sa voix, Madame Delplanque nous dit Ici il faut faire un effort d’imaginaire, il y avait un corps de ferme, des champs.
Mais le plus difficile, c’est de se représenter la construction des autoroutes et le morcellement territorial qui en a découlé, les routes coupées (la rue Gambetta, par exemple, qui va au cimetière), les délaissés (Le petit couvent, le chemin de l’Hurtebise) et puis les nuisances sonores, les bouchons. Surtout qu’ils ont oublié de faire le raccordement, entre l’A2 et l’A23. Vous imaginez les travaux, les bassins de rétention et tout le reste. Mais dans le Nord, je sais pas si vous avez remarqué, les autoroutes ne sont pas payantes. Et ça, ça veut dire que les municipalités ont mis la main à la poche. Madame Delplanque veut être précise, elle abonde dans les détails, nous emmène ici et là, se réfère au plan que nous déplions à chaque coin de rue, pour comprendre. C’est qu’à ce carrefour, vous avez trois trottoirs qui sont à La Sentinelle et un à Trith. Et là, le lac, qui n’est pas un lac naturel mais une zone d’effondrement, c’est Valenciennes.