Les citations : la parole aux femmes

Ce matin, nous partons dans la médina pour la séquence-citations de la veillée. Nous avons en main notre sac de citations (écrites en darija) pour proposer aux gens d’en choisir une, celle qui leur plait, celle qui leur parle, de l’apprendre et de la dire face à la caméra. Avant qu’on ne démarre du QG, Bab Khémis, l’équipe technique de Shems’y arrive pour monter la scène, on en profite pour lancer l’opération : les 8 techniciens jouent le jeu, on a déjà 8 citations, et nous voilà partis dans la médina. Très vite, Didier et Amine sont en train de filmer un homme qui a appris la phrase qu’il a choisi, pendant qu’Isabelle cherche partout des femmes à qui parler de la veillée, des femmes qui peut-être voudront bien choisir une phrase, des femmes qui peut-être voudront bien l’apprendre et la dire à la caméra. C’est un grand plaisir que de les aborder, de rire avec elles, de voir qu’elles acceptent, ou que finalement elles n’acceptent pas, mais qu’alors elles nous embrassent en riant après avoir expliqué qu’elles ne peuvent pas être filmées, mais qu’elles aiment beaucoup telle ou telle phrase. La « première femme des citations » écoute d’abord ce qu’on tente de lui expliquer sans traducteur, puis elle lit, choisit une phrase et quand elle comprend qu’elle va être filmée, elle rit beaucoup avant d’accepter de dire sa citation à la caméra : « Perdre son temps est aujourd’hui la seule façon d’être libre. » La deuxième femme s’intéresse beaucoup à ce que nous faisons : c’est quoi la raison de tout ça (avoir un autre regard sur son quotidien, rencontrer les gens) ? c’est quoi la raison de ces phrases ? qui les as écrites ? qui les as choisies ? Elle les lit toutes, elle sourit en tombant sur celle-ci : « Ma mère me disait, tu seras avocat parce que tu réponds tout le temps ! » et finalement elle choisit : « Quand les mots manquent, le silence devient un cri au-delà des cris. » Elle reste longtemps près de nous pour voir si d’autres femmes vont se lancer. Avec la troisième et la quatrième femme, ça se passe autrement : elles veulent vraiment dire la citation, mais elles ne veulent pas qu’on les voit… On filme la feuille où sont écrites les phrases et le micro de la caméra enregistre leurs voix : « Qui accroît son savoir accroît sa souffrance » et « La mesure de l’amour, c’est aimer sans mesure ». Puis on rencontre Ota qui a « failli le faire » mais qui attrapera un fou-rire et finalement n’osera pas. Un peu plus loin dans une bijouterie c’est Khama « La mesure de l’amour, c’est aimer sans mesure », puis sa maman Latifa, elles sont très souriantes, rayonnantes. La septième femme : « C’est parce qu’on ne s’entend sur rien qu’on s’entend sur tout ». La huitième dame, Hafida : une professeur d’arabe qui apporte des menues corrections à la traduction avant de dire à la caméra : « Il faut allier le pessimisme de l’intelligence à l’optimisme de la volonté ». Puis, en neuf, c’est Zoara : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que de la jalousie et le sentiment d’être exclu ». Ça prend du temps, ça ne marche pas à tous les coups, mais on rencontre beaucoup de monde. Et ça continue : dix et onze… Soukaïna : « Il n’y a pas d’amour, il n’y a que de la jalousie et le sentiment d’être exclu » et Zora, sa mère : « Dans le malheur chacun a ses raisons ». Puis on parle avec une dame qui s’en va en nous demandant de l’attendre quelques minutes. Elle va chercher sa fille qui est comédienne. Douae est stagiaire de cinéma à Ouarzazate, « Il pleut sur la ville comme il pleure dans mon cœur », c’est la douzième citation de femme, elle propose même de nous rejoindre sur les actions de l’après-midi. Puis ce sera Sadia : « L’amour impossible est celui qui résiste le mieux au temps ». Et la quatorzième c’est Soukaïma, qui se promène dans la médina avec sa tante et sa cousine (qui elles, n’oseront pas). Mais toutes les trois rient beaucoup, on s’embrasse et on se donne rendez-vous jeudi à Bab Khémis, pour la veillée. Entre temps, il y a eu des hommes bien sûr, beaucoup, et très souriants. Mais on est bien contents de toutes ces « paroles de femmes ». Dans l’après-midi, pendant que Younes fait de la roue cyr, on donne le programme du festival autour de nous et on rencontre… Aziza, très touchée par le concept de la veillée, elle aimerait en savoir plus, elle aimerait faire quelque chose avec nous : on lui propose de prolonger notre séquence « citation », elle viendra demain matin à Bab Khémis pour qu’elle puisse choisir une phrase et la dire à tout monde devant la caméra.

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