La première semaine est terminée.
Elle a été courte : courte parce qu’intense, courte parce que les jours filaient comme ça, courte parce que sans ennui. La seconde sera plus courte encore: il va falloir très vite finir le montage du film, et répéter, et se préparer.
Je vois les liens qui se nouent entre les élèves. July m’a dit Maintenant, on mange ensemble à la cantine, avant on mangeait avec nos classes. Je les vois, pour la plupart, participer de bon coeur, avec volonté et même avec courage, quand il s’agit du plus difficile et du plus fatigant: sortir et aller à la rencontre de. À la rencontre des habitants du quartier, à la rencontre des lieux. Et du coup j’imagine à la rencontre de soi, aussi. C’est ce qu’il semble en tout cas quand j’entends certains textes, le soir: c’est pas parce qu’on a une chemise de bûcheron qu’on est pas sensible, c’est pas parce qu’on galère qu’il faut pas être déter’. J’ai fait un slam, il est violent, alors j’ai mis mon nom pour que vous vous souveniez, ça c’est Hyannis qui le dit. Je ressens leur fierté quand la chose qu’on appelle “création” leur arrive.
Maintenant ce que je me dis c’est Le boulot il fait que commencer. Oui, on touche à des formes qu’ils n’avaient pas forcément encore expérimentées. Oui, on les emmène sur le terrain de la responsabilité de leur parole. Oui, ils doivent visiter leur intimité pour créer des machins, des bidules. Mais alors ça donne envie d’aller plus loin ou bien alors comment dire – plus en profondeur. Vers ce qui tient les veillées: avec des grands mots ça donnerait: aborder la philosophie, l’éthique, parler de cette conviction que l’art se trouve dans la rue, dans le monde, avec les autres, et comment on fait ça et pourquoi on fait ça.
Et puis ce qui me plairait infiniment, mais alors là, il en faudrait, du temps, c’est de les aider à élaborer des manières personnelles pour aller vers le monde. Les protocoles de l’adolescence. Avec cette grâce et ces hésitations, cette rudesse parfois.
