… L’accès à la culture, la croyance en celle-ci et le rejet consécutif, chez ceux qui entrent en culture comme on entre en religion, de leur classe d’origine – parce ce que celle-ci se caractérise précisément par l’absence de ce qui définit l’appartenance à une autre classe dont l’art, la littérature, la musique paraissent être l’apanage – constituent donc le vecteur de la « trahison ». Et à cette ruse quasi imparable, qui opère grâce à la complicité que les nouveaux cooptés accordent avec enthousiasme aux processus et aux principes de la cooptation (c’est à dire de la domination), Nizan oppose un geste de refus, qui prend la valeur d’une rupture : « Vainement avez vous essayé de me faire croire à la coïncidence du bourgeois et de l’humain. » Ce qui revient à affirmer que, si l’on veut contrecarrer la transmission héréditaire de la culture bourgeoise et de l’agrégation à celle-ci des nouveaux entrants, il est nécessaire de revendiquer une autre façon de devenir humain, c’est-à-dire de se réclamer d’une autre tradition et d’une autre « atmosphère » de culture », tout aussi humaines, bien que systématiquement dévalorisées et méprisées par les dominants. Mais ce n’est donc pas tellement d’une mémoire familiale qu’il est question ici ni d’une culture « universelle » : mais d’une mémoire de classe, et plus encore, de la mémoire d’une classe en lutte…