Rémi

Je peux vous parler à vous ou bien je dois regarder la caméra ? Parce que je préfère m’adresser à vous, c’est plus sympathique.
L’association des Turbulents existe depuis 1992, les chapiteaux depuis 2007 et Rémi travaille ici depuis sept ans. Ici on accueille des personnes de la SAS (Section d’Adaptation Spécialisée), qui ne sont pas encore complètement prêtes pour le monde du travail, et des personnes de l’ESAT (Établissements et Services d’Aide par le Travail), qui ont un contrat de travail, des fiches de paye. Tous fréquentent les mêmes lieux, les mêmes ateliers, mais ne sont pas soumis aux mêmes exigences.
Ils viennent aux Turbulents avec leurs souhaits, leurs désirs artistiques. Ils viennent travailler. Il y a à peu près 15 centres ESAT, en France, qui proposent des métiers d’art. Mais l’art, c’est d’abord perçu comme du loisir. Et puis après, ils voient qu’il faut bosser et s’accrocher – c’est pas si facile. Ils nous sont le plus souvent adressées par des établissements médico-sociaux, mais l’équipe, ici, sait aussi déceler des savoir-faire et les développer. Les turbulents passent 80% de leur temps à leur cœur de métier, et 20%, à peu près, dans d’autres ateliers. Par exemple on a remarqué que les arts vivants – le travail de clown, le masque, le théâtre – tout ça sert la confiance en soi et les capacités relationnelles de ceux qui travaillent au service en salle.
Aux chapiteaux, deux cultures se mélangent. Celle du médico-social, qui tend à la protection, celle de l’art, qui tend à creuser et expérimenter. Alors il faut trouver l’équilibre entre ces deux pôles : protéger et expérimenter, le tout en conscience. Parce que pour travailler à dépasser ses limites en accord et en conscience, c’est important de savoir dire où sont ces limites et à quel moment elles sont, pour chacun, franchies. Il y a parfois de grands débats, à l’intérieur de l’équipe. On a tous une résistance au changement, raconte Rémi, consciente ou inconsciente, une résistance au mouvement, au dépassement des limites – à tous ces ingrédients constitutifs du travail artistique. Alors l’équipe donne un cadre précis : on fait beaucoup de réunions, on donne chaque jour les emplois du temps, on sait les expliquer autant de fois qu’il le faut, avec des mots, avec d’autres mots, avec des pictogrammes si besoin, jusqu’à ce que la structure soit comprise et rassurante. À partir de là, on peut introduire les changements nécessaires au travail artistique. La mission des turbulents est bien celle du service public : accompagner au bien-être dans une vie d’adulte. Et puis à côté, il y a l’art, le travail, la conscience corporelle. C’est un accompagnement global. Rémi parle des effets bénéfiques qu’il observe, pour tel ou tel, dans cet échange, dans cette horizontalité. Une troupe, ça marche avec les artistes, mais aussi avec tous ceux dont on ne parle pas, la lingerie, la com’, les cuisines, le service en salle, la régie, tous ceux là : sans eux, rien ne tourne. Alors les artistes prennent aussi leur tour pour l’entretien du site, pour la vie de la salle. Et puis on a une équipe en or. Je la changerai pour rien au monde.

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