« Être responsable (répondre de) pour l’autre par l’autre ce serait seulement être originairement exposé à la proximité du visage de l’autre. La responsabilité devient une forme originaire de la sensibilité, parce que toute sensibilité serait non pas d’abord marquée par le contact avec les choses, dans l’espace et le temps, mais d’abord par « l’exposition à l’autre ». Secrètement, l’autre habiterait mon expérience sensible la plus élémentaire, celle même du manger et du boire, la jouissance comme la douleur…
Dans son travail, Levinas disjoint le concept de responsabilité de celui de liberté et d’intelligibilité. Il rattache la responsabilité à la passivité la plus radicale, à la sensibilité elle-même audacieusement ramenée à l’affection pour l’autre. Le respect dont la responsabilité pour l’autre est le fondement, n’est pas un exercice de la raison. Je ne suis pas libre de respecter autrui. La responsabilité, sans laquelle aucun respect n’est possible, s’éprouve antérieurement à tout choix. Ce que je « dois » faire pour l’autre m’est dicté par sa seule présence incontournable, par sa seule proximité et non pas un horizon d’altérité universelle. La responsabilité, et par conséquent l’éthique Levinassienne, n’est pas paradoxalement une relation ou une communication, mais un mouvement irrelatif, absolu, interne au sujet : le passage du Moi au Soi, du volontaire au non-volontaire. »