ce n’est pas parce qu’on voit bien qu’on sait regarder

Ce matin, nous avons rendez vous avec madame Creuze, présidente de l’association VIS TA VUE, qui compte aujourd’hui 23 membres dont 8 malvoyants « on est pas que des bigleux dans l’association, et le terme n’est pas péjoratif ! « . Au fil des années, le handicap visuel de madame Creuze s’est aggravé. Elle décide alors de créer un blog pour relayer des informations sur l’avancée de la recherche, pour échanger. Arrive Facebook et les groupes de discussions, le blog devient alors un soutien pour beaucoup de déficients visuels et on l’encourage à constituer une association. VIS TA VUE réunit voyants et malvoyants, elle y tient, pour faire tomber les préjugés « chacun doit faire un pas vers l’autre ». Ils se retrouvent 2 vendredis par mois à la maison de quartier de Rosendaël.

Un des axes de VIS TA VUE est la sensibilisation en informant et en communiquant le plus possible : en direction des automobilistes et commerces -finalement rendre un lieu accessible aux malvoyants n’est pas si coûteux, l’association prône par exemple le gros caractère, bien contrasté, facile à mettre en place- et dans les collèges et les entreprises l’association propose des mises en situation de handicap pour que les gens se sentent concernés. Dans le cadre de la sensibilisation, VIS TA VUE a entamé un projet de pièce de théâtre, dont l’écriture se nourrit des anecdotes du quotidiens des malvoyants.

VIS TA VUE, de manière plus large, peut proposer aussi un accompagnement  aux personnes face au handicap d’un proche, pour les aider à trouver du matériel adapté, pour les aiguiller dans leur recherche de soutiens financiers.

Via l’association, madame Creuze a fait une rencontre extraordinaire. Une dame est venue lui proposer d’être son guide pour la course au moyen d’une cordelette. Elle a pu reprendre le sport, et cette pratique » fut une découverte des 2 côtés ».

On ne réalise pas tous les apprentissages qu’entraîne le fait d’être malvoyant : les cours de canne, on apprend à « balayer  » le sol avec l’objet (les mouvements de bras se font à l’inverse des pieds) pour pouvoir regarder devant. On développe l’écoute , on repère tous les bruits de la circulation, et chaque détail du mobilier urbain devient un repère ( un banc, un revêtement particulier…). Toutes ces expériences permettent aux malvoyants de prendre confiance en eux, « une personne malvoyante ne peut pas être distraite en locomotion, sinon c’est dangereux pour elle! ».

Mais l’accès à la culture reste compliqué. Le Louvre Lens, très beau et très épuré est un cauchemar pour les déficients visuels : il est très difficile de se situer dans un grand espace clair, sans balisage au sol. Et s’approcher des oeuvres est très mal perçu. Quelques films au cinéma sont en audio description. Au théâtre c’est beaucoup plus marginal.

Le mari de madame Creuze, passionné de photo, proposera bientôt un stage au LAAC. Il a déjà exposé ses oeuvres photographiques sur la déficience visuelle. Ses photos mettent en scène la vie quotidienne des malvoyants, poétisent des objets de par sa perception. Madame Creuze a même posé avec sa canne blanche, comme un accessoire de mode.

Madame Creuze nous dit qu’il faut apprendre à regarder, c’est toute une éducation.

Ce n’est pas parce qu’on voit bien qu’on sait bien regarder.

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