Madame Denayere est venue nous dire quelque chose

Quand on aime son village, on le fait vivre. Bien sûr on a une boucherie, une boulangerie, une pharmacie, un docteur, un vétérinaire, un ostéopathe, mais on a plus de marchand d’habits, ni de marchand de chaussures. Bien sûr, on a la supérette, et on y trouve de tout, mais quand il n’y a pas ce qu’on veut, et qu’on a pas de voiture, alors comment on fait. Moi je suis venue vous dire ça, il faut pas que plus de commerces ferment à Rexpoëde, le commerce, c’est la vie du village. À une époque, y’a eu jusqu’à soixante bistrots, ici.
Madame Denayere est venue avec un sac, lourd, sous le bras : des articles de journal, des photos, des plans, tout un tas de documents – son trésor, conservé au fil du temps : événements sportifs et politiques, faits divers (comme cette dame qui vivait chichement et qu’on a retrouvée morte sur un tas de louis d’or ou ce hold-up à l’ancienne poste), inaugurations, départs en retraite, célébrations des anniversaires de centenaires, pose du tout-à-l’égout, récompenses, décorations, affiches de liquidation des stocks avant la fermeture définitive de tel ou tel commerce – tout est là, une histoire de Rexpoëde faite par une de ses habitants.
Dans la grande histoire, il y a la petite histoire : Madame Denayere a commencé par travailler chez ses parents, à la boulangerie-café-confiserie, puis elle a ouvert son épicerie, et enfin une papeterie. Son mari était garde-champêtre, oh, ça n’existe plus, ce métier-là. Elle se replonge dans ses souvenirs d’enfance, les trois bombes qui sont tombées sur Rexpoëde pendant la guerre : une sur le garage, une sur la maison à côté de la boulangerie et une sur la boulangerie. Alors Maman était descendue à la cave, et nous, on s’était cachés sous le pétrin. Maman a réussi a remonter pour nous faire ressortir, c’est comme ça qu’on a été sauvés. Après on s’est réfugiés chez nos grand-parents. Mais il valait encore mieux être chez les grand-parents que chez des inconnus. Chez nous, comme la maison était assez grande, on a dû héberger des officiers allemands, et puis après la guerre, des réfugiés d’Dunkerque. Madame Denayere repense aux soirs de bal, aux jours de ducasse.
Et la vie, aujourd’hui, vous en pensez quoi, alors ? Oh, la vie, pour les jeunes, elle est fort changée, mais pour nous, ça nous dépasse.

Une réflexion sur « Madame Denayere est venue nous dire quelque chose »

  1. Madame Denayere est une de ces personnes du village dont la mémoire sur Rexpoede est une mine d’or du fait du dynamisme dont elle a toujours fait preuve dans la commune que ça soit professionnellement comme en dehors en tenant des permanences à la bibliothèque du village. C’est dans sa papeterie que j’ai acheté mon premier stylo plume alors que j’étais au CE1 il était rose et vert…et on y trouvait quelque chose qui n’existe plus aujourd’hui des cartes postales de Rexpoede

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