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quartier créations

Après-midi créatrices et créateurs, scrap booking, couture, rap, danse, chanson, nous découvrons à la maison de quartier puis tout autour, des hommes et femmes de tout âge qui dansent, écrivent, chantent, rappent, mixent, dessinent, cousent, oeuvrent; certain.e.s très modestement pour le pur plaisir du temps partagé, d’autres que l’art emmènent autour du monde pour des contests de break dance ou des tournées de concert.

Avec les participantes de l’atelier scrapbook, nous allons dans le parc voisin pour offrir à l’étang quelques mots dessinés sur des feuilles d’algues, chacune offre à l’instant et au paysage un mot qui la soutient : partage, rire, famille, amour, vivre, amitié, sourires. Des mots simples que les coeurs fatigués jugeraient naïfs mais qui quand on y pense sont tout de même l’apanage de notre espèce et le sel de l’existence.

Vivre c’est vibrer. Et cette vibration, ce souffle qui nous anime toutes et tous, se traduit aussi par le chant et la danse. A propos de danse, nous avons rencontré l’incroyable collectif blacklist qui pratique et promeut dans le quartier, dans les villages, et dans tout le pays, la breakdanse, le parkour, le street-foot et toutes les disciplines de la culture hip hop mais ce collectif a aussi inventé les breaking tournament, tournois de danse dans lesquels les gagnants s’associent aux perdants pour avancer ensemble, tournois qui se déroulent désormais dans le monde entier. Depuis l’ancienne salle de sport où Blacklist oeuvre, c’est un peu de l’énergie et des talents du quartier qui s’élance à travers tout le pays, traverse les mers et relie les pays.

A quelques dizaines de mètres de là, le Lieu Musical permet depuis quarante ans à des centaines de musicien.nes de répéter et d’enregistrer dans des conditions idéales. Accessible à toutes et tous, c’est un lieu pour la composition, la répétition, l’enregistrement que fréquentent de nombreux rappeurs mais aussi Jean-Luc et Christian, « Old  Players », ex « Papy Blues »  qui en plein préparatif de leur futur concert nous interprètent Get the Key à la guitare et au djembé. Get the key, ça signifie prends la clef. Prendre la clef, oui, pour cette fois pas celle des champs mais celle qui dans le quartier ouvre les portes de lieux où danser, chanter, oeuvrer, exprimer un peu de ce qui t’anime, te fait vibrer, de ce qui nous anime et nous fait vibrer.

Lucie

On a rencontré Lucie qui est la référente famille en titre de la Maison de Quartier du Moulin. Lucie vient d’avoir un enfant. Elle est venue avec lui pour l’entretien filmé. Quel bonheur d’échanger avec Lucie. Elle nous a raconté dans les détails en quoi consiste son travail. Principalement dans la relation parents-enfants. Tout est basé sur la liberté de création des un.e.s et des autres. Dans un exercice d’art-thérapie, par exemple, rien n’est jamais jugé. Il y va de la responsabilité de chaque participant. C’est à chacun.e de décider si ce qu’il a réalisé lui plait ou non. De conserver son oeuvre ou non. Immanquablement cela nous fait penser aux méthodes Freinet, Montessori ou Steiner Waldorf et au mouvement des non-sco qui reprend de la vigueur ces dernières années. Lucie travaille en étroite collaboration avec tous les partenaires sociaux et politiques qui sont sur le terrain. Ils et elles déterminent ensemble, en fonction des priorités et du retour des populations sur ce qui est proposé au fur et à mesure des cessions. Cette saison, on a mis l’accent sur la gestion des émotions et sur l’art-thérapie. Lucie nous précise que ceci est une base et qu’on en fait ce qu’on veut (plus ou moins).

éclat d’enfance dans les watergang

Au détour d’une rue, de retour de la résidence du Booteland, nous croisons Antonio qui vivait là bien avant la construction du quartier. il y vit plutôt seul, ne fréquente guère la maison de quartier ni les réunions car il vit très bien seul mais il aime ce coin de ville et son calme. Il se souvient de ses jeux d’enfants dans les watergangs qui étaient là bien avant les immeubles d’aujourd’hui et particulièrement du jour où une grenouille qu’il pourchassait finit par le faire tomber dans l’eau. Son visage s’éclaire quand il se souvient. Quand il nous quitte il dit encore une fois dans un sourire : « ah, cette grenouille… » Un quartier c’est aussi cette part invisible des gens, la mémoire, ombres et lumières de l’enfance, et les mille échos indicibles des visages,des paysages, des instants qui nous tissent et qui nous peuplent. Derrière le visage de n’importe quel quidam croisé au hasard d’un trottoir, il y cet océan d’instants qui ne se résume pas et dont parfois au hasard d’une rencontre, à travers le silence anonyme des rues, on capte  briévement le scintillement. Une chance.

Ombres et lumières sur le Blooteland

Soleil d’hiver, vaste ciel bleu sur le quartier, nous retrouvons Jeff qui nous guide dans les batîments d’Arenberg, la confiance qu’il a tissé avec les habitants facilite les rencontres, des âges, des regards, des corps différents prennent le temps d’offrir leur présence à la caméra. Puis, dans le quartier voisin, Blooteland, c’est Betty qui nous guide, elle fait avec passion son travail de médiation, faire en sorte que les habitants soient au mieux chez eux et autour de chez eux. Pas de baguette magique, le trafic quand il s’installe ne se déloge pas facilement et certains habitante.s ne cachent pas qu’ils seraient soulagés de pouvoir vivre ailleurs. Cela dit, d’autres évoquent spontanément le calme du quartier, et relativisent les soucis. Ali prône et pratique le dialogue, il a connu Paris, Lyon et des quartiers bien plus tendus. Il sait que le plus souvent, même en galère, les êtres n’ont pas mauvais fond. Encore faut-il trouver le moyen de réveiller le respect qu’ils ont parfois rarement ou jamais reçu. La méfiance appelle la méfiance. La confiance appelle la confiance. Les cris appellent les cris. Les sourires appellent les sourires. Sachant bien sûr que tout celà est plus facile à dire qu’à vivre…

 

Ravensberg, plutôt ravi que ravin

On a rencontré Jeff, Kamel et Jocelyne dans le square Ravensberg qui n’est pas un square mais un quartier, un demi cercle  de batîments qui fédère 68 logements. Enfin fédère…. pourrait fédérer ou commence à fédérer car pendant des années ce n’était guère le cas. Le quartier « a été délaissé » pendant longtemps ou en tous cas de sales habitudes s’étaient installées,  une forme de non voisinage, du genre j’abandonne poubelles ou enccombrants n’importe où, les espaces communs n’existent pas ou ne sont pas dignes d’attention, … C’était pénible à vivre, c’est le moins que l’on puisse dire.

Et puis Jeff arrive, sur un poste d’agent de proximité qui vient d’être créé. Par une foule de petits gestes apparemment anodins, nettoyer le toboggan, verdi et sali par le temps et les négligences, changer une ampoule chez une dame blessée,  réorganiser le local poubelles, encourager coups de mains et échanges entre voisins, il inverse la tendance. Les encombrants deviennent une ressource accessible à celles et ceux qui en ont besoin, un chantier se crée pour ouvrir un espace ouvert aux jeunes, les espaces partagées commencent à l’être vraiment ou en tous cas, chaque habitant.e reprend conscience de cette dimension commune, quelque chose s’apaise, la vie d’emblée devient plus douce et belle. « C’est génial » dit Jocelyne. « Maintenant, c’est super de vivre ici » ajoute Kamel.

Certes ce n’est pas la fin des soucis et le square Ravensberg n’est pas le village dans les nuages et ne le sera jamais mais en retournant positivement les regards sur les espaces communs,  Jeff, de jour en jour, n’accomplit rien d’autre qu’une petite révolution au service du bien commun.

F. et les gens

On a rencontré F. qui travaille pour l’un des nombreux bailleurs sociaux du quartier. Elle nous a raconté le plaisir d’être ici et de mettre en place des évènements sociaux et culturels à partir des envies de la population. Elle nous a recommandé de prendre rendez-vous avec un graffeur dunkerkois qui a réalisé, dans l’entrée d’un immeuble de ce quartier de Grande Synthe, une fresque. Tous les habitants ont fortement appréciés , même celles et ceux qui semblaient, au début du projet, les plus perplexes.

Sur la A16 prendre la sortie Grande Synthe Moulin.

Bien arrivés à Grande Synthe. Pour un séjour d’une dizaine de jours. On a fait le tour du quartier du Moulin ce matin. En partant de la Maison de Quartier. Vanessa qui dirige la Maison de Quartier et Christelle, qui travaille pour la politique de la ville nous ont guidés au travers des méandres des rues, des chemins, des ruelles et des ronds points du Moulin.

Alex a filmé des gens, des petits chiens tenus en laisse avec leur maître et leur maîtresse, ou sans. Il a filmé des rues, du rond point de l’horloge jusqu’à la Porte du Soleil. Un lac. Les deux lacs qui passent sous un pont et une bute. Il a aussi filmé des mouettes. Des gens à leur fenêtre. Et Yolande qu’on a mise en retard car elle devait se rendre chez son kinésithérapeute.

Il faisait un froid de canard.

Harmonie cacophonique

Ils sont là, rassemblés autour d’un micro qui n’est pas vraiment un centre, mais que tout le monde regarde comme un point d’appui. Rien n’est figé. Les corps se rapprochent un peu. On se cherche une place. On sourit avant même de savoir pourquoi. Il y a ce flottement léger des instants qui ne sont pas prévus, mais qui arrivent quand même.

Une main se lève dans le flou, comme pour donner un départ que personne n’a vraiment demandé. Et aussitôt, quelque chose se met en mouvement. Les voix ne partent pas ensemble. Elles se croisent. Elles s’empilent. Certaines arrivent trop tôt, d’autres trop tard. Et c’est très bien ainsi. Ce n’est pas une prise. Ce n’est pas une scène. C’est un élan.

On sait très bien que ce moment ne sera peut-être pas dans le film. Qu’il ne trouvera pas sa place au montage. Qu’il restera en dehors, dans ce que la caméra n’attrape pas toujours. Mais on sent aussi que ce moment est en train de faire autre chose. Il remet du cœur dans l’équipe. Il détend. Il relie. Il fait circuler quelque chose de simple et de chaud entre les corps.

Il y a des rires qui montent sans prévenir. Des regards qui se cherchent. Une petite gêne qui devient vite une force. Personne ne joue un rôle. Personne n’essaie d’être à la hauteur. On est juste là, ensemble, dans une imperfection joyeuse qui n’a rien à prouver.

Le micro enregistre peut-être. La caméra regarde peut-être. Mais l’essentiel est ailleurs. Dans ce qui ne se verra pas. Dans ce qui ne se montera pas. Dans ce battement discret qui remet l’équipe au même rythme.

Ce moment n’est peut-être pas un plan. Mais il est une respiration. Et parfois, dans un travail long, c’est cela qui compte le plus.

Conduite Carvin Empreinte Médiathèque

Pauline et Alisson : 2’48 / Sébastien, réseau médiathèque : 2’00 / Les usagers (Margot, Alain, Camille…) : 3’30 / Roselyne et Corinne / Les enfants inventent une histoire… : 1’34 / Les Pipelettes : 4’10 / Les enfants, les prénoms et la médiathèque: 1’13 / Le maire / Claudine : 1’20 / Danse Camille et Lucas / Les agents de la médiathèque : 2’52 / Chantal : 4’22 / Ingrid et Hervé : 2’11 / Association Monts et Merveilles / Collectif d’écriture : 4.16 / Filles d’Ursula : 1’40 / Citations / Portraits chinois : 1’04 / …

Le premier regard

Ce matin, nous étions rassemblés autour de l’écran de Martine comme autour d’un feu discret. Alexandre avait posé là son premier jet. Un premier souffle. Pas encore une forme définitive, mais déjà une matière vivante. Les images ont commencé à se succéder sans solennité. Des rires sont apparus sans prévenir. Des chants fragiles ont traversé l’espace. Des voix ordinaires, chargées pourtant d’une lumière étrange. Très vite, quelque chose s’est déplacé en nous, sans bruit.

Il y avait des yeux. Des yeux qui brillent sans le vouloir. Des regards qui se croisent presque par hasard, et qui pourtant se reconnaissent. Derrière l’écran, nous regardions ces regards, pris dans cette profondeur silencieuse où l’on ne sait plus très bien qui observe qui. On entendait parler de douceur. De vie. De ce lieu devenu une seconde maison sans que personne ne sache vraiment à quel moment cela a commencé. Une maison faite de passages, de retours, de petites fidélités invisibles.

Rien n’était spectaculaire. Rien ne cherchait à séduire. Tout restait à hauteur d’homme. Des gestes simples. Des silences avant les mots. Des rires après. Ce que l’on ne remarque jamais d’ordinaire, et qui pourtant contient la vérité la plus entière. À mesure que le montage avançait, je ne regardais plus seulement un film. Je regardais le temps. Le temps qui s’attache aux corps, aux lieux, aux présences. Le temps qui use un peu mais qui lie beaucoup.

Et puis, sans qu’on puisse dire quand, quelque chose s’est imposé. Pas une idée. Pas un message. Une présence. Une âme. Silencieuse, persévérante, déjà entière. Comme si elle avait précédé le film. Comme si le film ne faisait que lui donner un corps. Quand l’écran s’est éteint, il n’y a pas eu de commentaires immédiats. Chacun est resté un peu dedans, avec la sensation calme et lourde qu’un commencement discret venait d’avoir lieu.