mercredi 20 06 07 en fin d'après midi

On est à l’oeuvre. L’oeuvre est dans la démarche. Marcher c’est créer. Déambuler. Porte à porte. On commence à être connu dans le quartier. On a fait quelques incursions dans le centre ville. On a vu une dame qui a participé aux ateliers théâtre de Culture Commune à Wingles. Pendant plusieurs années. Avait le trac. Aurait aimé continuer. En troupe amateur.
Notre base est la salle Europa. Tout part et tout revient à la salle Europa.
Nous manquait des tracts, des invitations pour dire et redire qu’on présentera la Veillée le dimanche 7 oct. 07 à 16H et 19H à la salle G. Berthes de Wingles. Que tout le monde est invité. On en a fait venir de Loos en Gohelle où nous sommes installés sur le site de la Base 11/19.
Demain, c’est la fête de la musique et on a décidé qu’on prolongerait dans la soirée. A Wingles.
Histoire de faire et refaire le tour du quartier. Passer d’un groupe à un autre. Récolter des témoignages. Des histoires.
Flora qui rédige des textes pour la Veillée se demande:
-dire mobylette ça fait obsolète? On dit scooter?
-C’est pas pareil. Sur une mobylette, il y a des pédales, dit Jérémie
-Sur un scooter il y a un cric, dit elle
-un kick pas un cric, dit il
Elle dit: – Bon allez j’écris « bécane »

On a rencontré un type à Wingles absolument extraordinaire.

On a rencontré un type, à Wingles absolument extraordinaire.
Il ne veut sortir que le soir ou la nuit.
Il dit ne plus supporter la clarté du jour, à cause de ses yeux malades et connaître une partie du dictionnaire par cœur. Il entretient sa mémoire dit-il, il se souvient de tout dit-il.
Je peux décrire la mine comme si nous y étions et mon bateau aussi.
Il était dans la marine marchande, du côté de Lorient, il est tombé amoureux d’une wingloise qui était déjà mariée.
Elle est morte depuis quelques années. Il a toujours vécu seul. Il dit qu’il croit aux esprits, qu’il ne sait plus lui-même si il est vivant et qu’après tout il s’en moque.
Il est sûr de nous connaître, il a dit qu’il viendrait nous voir à la veillée. Quand on lui a demandé son nom, il nous a dit appelez moi comme vous voulez, ou ne m’appelez pas.
Je viendrai à la veillée. Il dit avoir été professeur de philosophie et puis avoir tout lâcher pour connaître la profession d’ouvrier. Il dit qu’il est content d’avoir connu la vie qu’il a connue, qu’au fond il aura fait ce qu’il voulait et qu’il ne regrette rien.
Il dit aimer Wingles par dessus tout. Il dit avoir eu plusieurs vies.
Il a connu mes parents, mon père à la mine et il dit qu’ils s’étaient parlés, qu’ils avaient joué au football ensemble à Ferfay, que mon père était gardien de but.
Il est arrivé à Wingles un peu après la guerre, il a été résistant, il se souvient qu’à Auchel après la guerre, ils ont tué le commissaire d’Auchel parce qu’il a collaboré avec les nazis et il livrait les communistes aux allemands.
Il n’aurait pas d’âge. Il serait né en Algérie. Il a dit qu’il était pressé, que c’était bien ce qu’on faisait, et qu’on se reverrait. Il a ajouté, l’amour est plus juste que la justice et il est plus vrai que la vérité.

Jour de marché

Ce mercredi comme tous les mercredis c’est jour de marché et on n’a pas manqué d’y aller. On a mené une action aristique autour des citations et les gens nous ont donné de leur temps pour participer à cette action. Poser devant la caméra avec une citation, ces fameuses citations inscrites sur un grand papier. Cet aprés midi on fait des interviews. On rencontre des gens encore et encore… A savoir qu’on a vu du monde ce matin sur le marché… Didier nous y a retrouvés un peu plus tard dans la matinée parce qu’il avait un rendez vous avec une dame dont il a eu le contact par Jérémie. Jérémie a eu ce contact hier au cours de ses nombreux tournages dans la ville… L’aventure est au coin de la rue. « L’art c’est ce qui rend la vie plus belle que l’art. »

En rentrant

Wingles c’est pas Barlin, c’est pas Calais, Bergerac la cité de la Catte, c’est pas Torcy et le centre culturel Lino Ventura, c’est pas la Cité des Fleurs, Sellier, la cité 9 à Lens et Loos en Gohelle…c’est Wingles et son histoire, c’est Wingles et ses habitants et son marché, les jeunes assis dans l’herbe pour une partie de poker, ce monsieur qui rentre chez lui avec des citations, pour voir, pour lire, c’est Didier et Flora partis filmer le billard, c’est Ondine qui écrit des poèmes « toute sa vie », ça lui a pris un soir en faisant la vaisselle, la ducasse qui déménage ce soir pour un ailleurs, c’est marcher sous le soleil, distribuer des tracts dans les boîtes aux lettres: « qui sommes nous, où sommes nous », c’est Marie, Nicolas de Culture Commune qui nous rejoingnent, Maggie de la compagnie HVDZ, Frantz au bout du fil pour tous les problèmes et conseils techniques, Guy qui écrit tous les jours le journal de bord, et puis des citations, plein de citations qui seront agrafées dans la ville autour d’un poteau, un arbre, une montée d’escalier, c’est Jérémie Didier Martine Flora Guy Seb qui endossent tel un sac à dos les caméras, les tracts, les pieds de caméras, les carnets de notes, les téléphones pour prendre rendez-vous encore et encore: une randonnée à la rencontre des habitants, des histoires, de leurs histoires, de leur vie, là, à Wingles. L’orage a éclaté. Il pleut. Martine.