« Le tyran a besoin de la tristesse de ses sujets » Spinoza
La fréquentation régulière de l’art est une joie qui nous aide à mieux vivre. L’art est une écologie du regard, une pratique de l’altérité qui aiguise notre vitalité et notre faculté de juger. L’œuvre d’art apparaît sans être attendue, elle bouleverse les équilibres, esthétiques ou politiques, elle dérange. Une démocratie qui ne s’occupe pas de nourrir sa propre critique joyeuse, en soutenant les artistes, et une force de création disséminée dans le champ social, éducatif et économique, qui n’incite pas le public à aller à sa rencontre, est une société malade. La situation en France est grave. L’état, après s’être désengagé de sa mission de service public pour l’art et la culture, tente de faire passer la promotion de l’industrie culturelle pour un soutien, il essaie de faire croire à l’échec de la démocratisation culturelle, il étouffe les espace de transmission. Il renonce à ses prérogative en soumettant l’ensemble du service public aux lois du marché, celles de l’offre et de la demande. Les artistes travaillent aux représentations sensibles et symboliques du monde. Ils sont de fait devenus une menace pour cet état qui voudrait nous faire croire que le monde se résume à une surface visible, sans profondeur, qu’il suffirait de nettoyer régulièrement pour la rendre acceptable. Et pourtant, même les chantres de cette morale du visible sont agis en profondeur, chez eux aussi l’inconscient affleure et le lapsus est clair : le fameux « kärcher » aura bien été le symbole morbide d’une politique réactionnaire et liberticide.
Frédéric Fisbach
Libération, 15 juillet 2011