Le 3 juillet 2025, à Culture Commune, nous nous sommes retrouvés comme on se retrouve au seuil d’un chantier intérieur, fait de mémoires et d’archives, de visages captés à la lisière de l’oubli. Laurent et Christine, venus de Culture Commune, ont prêté leur oreille attentive ; Guy, Martine, Camille et moi, portés par HVDZ, avons déposé sur la table les fragments d’une histoire qui ne cesse de vibrer. Nous avons parlé de la rétrospective comme d’un voyage, à peine balisé, où la scénographie se tisserait avec le battement du territoire, et où l’archive ne serait pas un musée figé mais un vivant sillage.
Martine a déjà patiemment sauvé de la disparition les voix et les regards, du Maroc au Brésil, numérisant tout ce qui pourrait se perdre. Ces visages, ces sons, ces images, nous les confierons bientôt aux Archives départementales, pour qu’ils respirent encore au-delà de nous. Nous avons songé à un blog, à des vidéos, à des sons, à ces traces qui s’accrochent au réel comme à une étoffe. Nous avons déroulé le fil des protocoles, jusqu’au spectacle filmé, comme on déroule une mémoire en train de s’écrire.
Nous avons rêvé d’une installation qui refuserait l’enfermement, qui ne serait pas seulement à regarder, mais à traverser, à éprouver, à habiter. Quatre écrans comme quatre fenêtres ouvertes, un parcours urbain, des voix dans l’air, et le murmure d’un territoire qui se reconnaîtrait à travers nous. Il faudrait aussi y mêler des gestes, la danse de Camille, la présence incarnée, et prévoir ces quinze jours de résidence où l’on construirait à vue, corps et matière confondus. La présentation pourrait se déposer en deux semaines, quatre jours en salles, deux jours en nef, comme un souffle rythmé. Nous avons même évoqué la centième veillée, à imaginer comme une braise finale, à partager sur place.
Nous avons songé aux lycéens, à leur capacité d’attraper la part vive du projet, de participer à la mémoire filmée, d’entrer dans le jeu de la transmission. Les archives couvriraient la longue durée, de 2003 à 2025, comme un fil tendu à travers le temps.
Et puis, il y avait l’idée de la lumière des Journées européennes du patrimoine, la Fabrique ouverte, les films en boucle, la projection à peine entrouverte sur le seuil.
Il nous faudra encore approfondir ce lien avec Culture Commune, mais aussi chercher l’écoute de la DRAC et du Département du Pas-de-Calais, et peut-être inventer un co-portage, un souffle partagé. Nous avons entrouvert la liste des villes complices, ces noms qui résonnent comme autant de promesses.
Il reste à modeler les conditions d’accueil, à penser l’impact de ce que nous portons, à imaginer la tournée comme une installation autonome, prête à respirer partout. Et dans ce rêve de présence, il nous faudra encore nommer, structurer, appeler, convaincre, pour que le projet vive.
Peut-être est-ce cela, finalement, ce que nous cherchons : que la mémoire ne meure pas, et qu’à travers elle, le territoire se raconte à lui-même — à la manière d’une voix intérieure, un peu comme la nôtre, un peu comme Pessoa l’aurait entendue, douce et entêtante.