Ce qui était n’est pas ce qui est mais ce qui est sera ce qui était…

A l’ombre du Crédit Agricole, on voit l’ex ruelle des femmes de charme qui est toujours ruelle mais n’est plus celle des femmes de charme et à quelques enjambées l’espace Martha Desrumeaux qui est une pépinière qui était auparavant un garage (l’espace) et une grande résistante (Martha) où l’on boit une bien bonne bière nommée nuage et brassée sur place car là œuvre désormais la brasserie de mai qui était jadis garage Deswartes après avoir été ce que nul ne sait plus car nul ne sait plus ce que c’était avant cet avant là et on chercherait en vain la réponse dans la médiathèque au rayon fonds local qui est construite sur la friche Yagoubi dont on ne sait pas ce qu’elle était avant d’être la friche Yagoubi qui est le nom d’un pianiste né par ici et qui était dans le coin tantôt mais n’y est plus car ce qui était n’est plus là où est ce qui est même si ce qui est sera ce qui était mais n’est pas ce qui sera, n’est-ce pas ? Alors on ne sait pas ce qui avant était là où est à présent l’atelier relais, on ne sait pas ce dont l’atelier a pris le relais, si ce n’est de la gare, car on voit encore aux abords le passage des anciennes voies qui étaient ferrées aujourd’hui enherbées et là où étaient les trains c’est aujourd’hui le bus qui va et passe près des murs de la maison de Rémy Callot qui était là et n’y est plus et la maison et Rémy qui collait des éclats de carrelage pour dessiner des biches et des chevaliers et un flamand rose et des chevaux en mosaïque qui sont encore là parmi les murs effondrés et le bulldozer qui creuse dans la terre où était la famille de Rémi Callot et où tout de même quelque chose encore flotte de ce qui était là et parmi ces traces de ce qui était et n’est plus et au cœur de ce qui est désormais on fait des gestes et on danse à contre jour dans le passage du garage qui n’est plus un garage mais est encore bel et bien un passage qui ouvre sur le soleil et on danse aussi sur les cuves en béton d’une maison cassée et on escalade les fenêtres et on danse enfin avec un tournesol au comptoir du magasin de fleurs Koklikot devant lequel sont accrochés des 45 tours qui ne chantent plus mais dansent eux aussi dans l’air chaud de juin et nous disent quand on lève les yeux pour les lire on comprend toujours quand c’est trop tard, ne regrettons pas Syracuse, demain on reste au lit, ce sont là des titres de chansons qui étaient des chansons mais ne sont là que des mots silencieux tandis qu’une autre musique est diffusée au même instant dans la rue commerçante de la ville et fait dire à une voix invisible qui ne danse pas mais chante pour toutes celles et ceux qui passent et ne passent pas et passèrent passeront ou ne passeront plus parmi ce qui est, était et sera, la voix invisible donc dit dans la chaleur de juin où nous allons que la nuit le jour n’existent pas, ce qui n’est pas tout à fait certain, contrairement au fait qu’elle ajoute (la voix invisible que chante dans la rue commerçante) : « Dis moi comment toi tu fais avec tes défauts, ce foutu reflet. »

Una Grande Famiglia

On accumule les interviews et les prises de vue avec des enfants des écoles de Carvin. On est aussi allé danser dans les commerces de la ville. Chez la fleuriste, chez le coiffeur, dans des restaurants ou chez le traiteur. On a multiplié les rencontres avec les agents de la médiathèque.

C’est l’heure du débriefing de la journée : La médiathèque n’est pas qu’une médiathèque, elle est bien plus que cela. On parle de culture dans le sens du « besoin des gens » plus que dans le sens commun de la « culture ». C’est avant tout un lieu social. L’état d’esprit des agents se résument à ces quelques phrases : « On a le droit de ne pas savoir, on a le droit de se tromper ».

Une dame âgée pleure car elle ne sait pas se servir de son téléphone. Une agente de la médiathèque lui dit : « Mais on va vous expliquer ». La dame pleure « Mais mes enfants ne veulent pas me dire comment faire ». On lui répond : « Ici vous allez y arriver. On est une grande famille. »

COUTURE CULTURE

On a rencontré cet après-midi les dames couturières, crocheteuses et tricoteuses de l’association Créa’Fil dans leurs locaux de la rue Plachez, à quelques enjambées à peine de la médiathèque. Là Maryline, Lydie, Claudine, Muriel, Martine et bien d’autres crochettent, découpent, coupent et recoupent, tricotent pour toutes et tous, de façon et passionnée et désintéressée. Des pompons pour les Olympiades, des bonnets pour les personnes touchées par le cancer, des layettes pour les grands prématurés. Et un grand tapis d’éveil pour les bébés lecteurs lectrices de la médiathèque. Le samedi c’est directement dans les locaux de l’Atelier Relais que l’association se réunit.
Toutes ne sont pas férues de lectures, certaines manquent de temps ou d’un bus qui soulagerait leurs jambes, d’autres sont des incondionnelles du lieu, toutes salue la beauté du bâtiment et la douceur de l’accueil. L’une dit : « Mon petit fils qui n’habite pas Carvin, il me dit, c’est bien si je viens chez toi, comme ça je pourrai aller à la bibliothèque »
La culture aussi c’est coudre, tissu social, tissu de sens, idées, points de vue, beautés, laideurs, on suit des fils, on fait des noeuds, on en dénoue, on croise, raccomode, on étoffe, on patchwork…sans toujours bien savoir quoi, mais avec coeur.
Couture couture coups tu r’couds tu r’couds tu r’couds….

C’est pas parce que – Lycée La Peupleraie à Sallaumines

C’est pas parce que tu prends le bus que tu marches pas droit
C’est pas parce que tu fais le cancre que t’es pas intelligent
C’est pas parce que y’a grève qu’on peut pas sécher
C’est pas parce que je suis nul en dessin que je peux pas dessiner
C’est pas parce qu’on est personne qu’on doit respecter ceux qui se prennent pour quelqu’un
C’est pas parce que je suis là que j’ai envie d’être là
C’est pas parce que je suis mineur que je peux pas voter
C’est pas parce que tu joues plus que le jeu s’arrête
C’est pas parce que les élèves ont des sacs qu’ils ont des cahiers
C’est pas parce que c’est pas toujours bon à la cantine qu’on peut pas y aller
C’est pas parce qu’on est en perm qu’on doit aller à la MDL
C’est pas parce que je snap ma journée que je suis Nasdas
C’est pas parce que je fais des virgules que je suis un joueur de foot
C’est pas parce qu’on va dans le coin fumeur qu’on fume
C’est pas parce que je suis en commerce que c’est l’orientation que je voulais
C’est pas parce qu’on est à Sallaumines qu’il y a des mauvaises personnes
C’est pas parce qu’on est à Sallaumines qu’on ne peut pas voyager
C’est pas parce qu’on est à Sallaumines qu’on n’a pas de projet
C’est pas parce que Sallaumines à une réputation qu’il faut l’écouter
C’est pas parce qu’on est à Sallaumines qu’on a pas choisi ce qu’on fait
C’est pas parce qu’on est à La Peupleraie qu’on ne choisit pas qui on est

Mots entendus après le film-spectacle

Maxime, un spectateur, qui est aussi dans le film-spectacle parce que nous l’avions rencontré à La Musette à Guesnain, et qu’il avait répondu devant la caméra à la question « si le Douaisis était une chanson, ce serait quoi »… Maxime, en sortant de la salle après le « Portrait », a dit :
« quand je vois tous ces gens qui s’impliquent pour aider les autres, je me sens égoïste. Je ne suis pas dans des associations mais à voir ces personnes qui s’engagent avec l’énergie et le sourire… je me dis que ça va changer ! »

répétitions dans l’après-midi

Le film-spectacle, le Portrait du Douaisis, c’est à 19h, dans la très belle salle du château de Bernicourt. Là, c’est l’après-midi, on répète, on passe les vidéos, on répète les danses, la chorégraphie des mains de Cathy, l’adage devant les interviews à l’Episol. On sait que le château de Bernicourt, à Roost-Warendin, c’est loin et pas facilement accessible. Mais on espère beaucoup voir du monde ce soir, et retrouver aussi, parmi les spectateurs, les personnes que nous avons rencontrées pendant toute la semaine.

 

Tomber !

La rencontre avec les personnes qui travaillent sur la précarité, qu’il s’agisse des épiceries solidaires, du secours populaire ou encore du secours catholique, nous plonge dans les réalités des parcours de vie. Les personnes précaires leur témoignent souvent « Ça fait du bien d’être écouté ! ». Cette écoute sans jugement est un premier besoin.
Ces humains qui accueillent les personnes en grande difficulté sont toujours étonnés par la fragilité des parcours de vie. « Ces personnes en précarité ont parfois un emploi, c’est absurde ! ». Et pourtant ! le reste à vivre est de moins de 10 euros par jour, par personne et par foyer. Ils nous expliquent leur surprise de la banalité d’une dégringolade : un divorce, la perte de leur emploi… Et parfois, il suffit de pas grand-chose, la perte d’un permis de conduire, un passage à la retraite pas raccord et des agios qui s’accroissent inexorablement.
Ces personnes qui accueillent, témoignent « Ces accidents de la vie sont rarement liés aux personnes, mais sont bien souvent causés par des dysfonctionnements de l’organisation de la société ».
La période du covid et l’inflation ont aggravé la situation.
Ces humains qui accueillent et nous accueillent sont souriants, rayonnants, chaleureux. Ils sont là où ils veulent être et font ce qu’ils ont à faire. Faire que des gens ne tombent pas, pour que notre société ne s’écroule pas !

La grève des mineurs de 1963

Cette grève des mineurs de 1963 n’a rien à voir avec l’alimentation ! Pourtant, au gré de nos rencontres, cette grande histoire nous est contée. Le courage, l’abnégation de ces mineurs qui ont souhaité conquérir leurs droits. Ces travailleurs qui ont milité pour une vie digne fait écho à cette société actuelle qui ne permet plus à des personnes avec un emploi de vivre dignement.

L’Histoire, ils nous la racontent pour nous dire la régression et la dégringolade du système social d’aujourd’hui. Les personnes en difficulté ne sont pas un chiffre, un simple constat, ce sont des Humains, des familles, des enfants, des réalités quotidiennes qui sont inacceptables dans un pays comme la France.

Alors, la grande histoire, ils nous la racontent comme un rappel, une alerte qui encourage à ne pas baisser les bras. Ils nous racontent la solidarité à l’échelle nationale pour que ces mineurs tiennent le coup d’une grève qui leur coute leur salaire, leur capacité à nourrir leurs enfants. On nous a raconté : « Imagine ! Ces mineurs ont mis leurs enfants dans des cars sans savoir où on les envoyait. Ils savaient seulement qu’ils seraient accueillis, bien nourrit par des familles non mineurs qui les soutenaient pour que eux tiennent le piquet de grève ! »

Une solidarité qui n’avait pas de frontière géographique, pas de frontière culturelle, pas de frontière sociale. Un élan de solidarité, un moment dans l’histoire où nombreux sont ceux qui ont souhaité créer un monde juste.