Pendant ces trois jours, on est descendus dans la ville, juste en bas de l’Atelier Média, là où les commerces bordent les trottoirs comme autant de chapitres vivants. On fait de la retape — oui, on l’assume — pour parler du projet. Un documentaire, des fragments de vies, des instants figés. On appelle ça les Pas de commerces. On explique, on sourit, on tend des tracts imaginaires. Et parfois, la magie opère.
Arrêt sur image : la fromagerie Liz. Au cœur de Carvin. Une boutique à l’ancienne, avec du vrai, du bon, de l’odeur et de la voix. On entre, on raconte. La gérante nous écoute. Elle nous regarde. Puis elle sourit : « Oui, d’accord. Mais pas tout de suite… Faut que je change de tablier. »
Elle revient, avec sa fille. Ensemble. Prêtes. Mais doucement. À leur rythme. Elles sortent, passent le pas de la porte. D’abord un peu en retrait, timides face à l’objectif. Puis l’une s’approche. L’autre ne recule pas. Elles se font un câlin. Simple. Fort. Comme un ancrage avant de se laisser regarder.
Et le moment commence.
Dix secondes.
Ne pas bouger.
Malgré les voitures qui passent, les volets qui claquent, la ville qui vit comme elle sait le faire — un peu vite, un peu bruyante.
Malgré la chaleur qui monte, qui s’installe comme un parfum d’été à venir.
Car oui, on le sentait : l’été s’en vient, doucement, et il s’installera comme eux, là, sans prévenir, avec son poids tendre et sa lumière oblique.
Elles tiennent. Ensemble.
Hautes. Dignement. Devant leur boutique, devant leur histoire.
10 secondes.
Un passant s’arrête, plisse les yeux.
6 secondes.
Quelqu’un murmure : « Qu’est-ce qu’ils font, là ? »
4… 3… 2…
Un frisson. Un éclat.
1.
« Coupé. » dit Alexandre.
Et la vie repart. Elles sourient, rentrent, remettent les mains dans la pâte des jours. Mais quelque chose est resté. Suspendu dans l’air. Gravé dans l’instant.
C’était inattendu. C’était simple. C’était beau.