On a eu énormément de chance de faire « C’est pour toi que je fais ça! » avec le CNAC quand on s’est séparé d’Eric Lacascade. Et de se retrouver au 11/19. L’existence précède l’essence. Jamais on n’aurait eu conscience du travail qu’on devait mener en relation avec les habitants des quartiers si on ne s’était pas retrouvé à la Fabrique du 11/19. Faut pas l’oublier ça quand même. Mais on peut se dire tout de même qu’ayant travaillé à Liévin avec le Ballatum Théâtre pendant six ans, on aurait pu tout aussi bien s’en rendre compte plus tôt… Va comprendre… Faut savoir qu’au Ballatum il y avait des artistes qui ne voulaient jamais entendre parler d’ateliers de théâtre ou de donner un coup de main à une association locale de théâtre ou quoique ce soit… Quand on y repense maintenant,ça paraît hallucinant mais c’est la vérité. Il existait une élite à l’intérieur du Ballatum qui refusait de se frotter au peuple. Et j’ai participé à ça. Quelle honte! Je m’étonne parfois de me lever le matin déjà mal foutu avant que la journée ne commence. J’ai été trop servile. Trop lâche. Trop longtemps. Et je le paye. Nausée. Je comprends qu’on puisse ne pas croire à l’art. On ne voulait pas entendre parler des comédiens de la région. Ou très peu. Kader qui était un grand comédien était de Liévin. On a beaucoup travaillé par la suite ensemble à HVDZ. Quand il travaillait au Ballatum, c’était pour accompagner les artistes en tournée. On a dû batailler pour qu’il puisse faire un remplacement dans les Trois Soeurs. Rien qu’à y repenser, ça fait peur. Pourquoi j’ai pas réagi violemment plus tôt. Soumis comme je l’étais, je n’étais plus en mesure de me battre. Mais tout ça se paye cher. J’ai attendu trop longtemps. Je me disais tout le temps, calme toi, vu là d’où tu viens, c’est déjà bien comme ça. Faire du théâtre! Imagine! Si à la cité 3 de Ferfay, on t’avait dit ça... Et puis t’es pas en bonne santé. Du coup chaque jour qui passait, je m’enfonçais un peu plus. Jusqu’à l’extrême limite. Jusqu’à la folie.