Il y a, à l’Atelier Média, un mystère en suspension. Une ligne qui ne se décide pas. Ce n’est pas un mur. Ce n’est pas une fenêtre. C’est un entre-deux tissé de lumière et de carrés translucides — une peau de verre constellée de pixels, comme un écran dont on aurait oublié d’effacer les rêves.
Ces petits carrés blancs, posés en nuée sur les vitres, n’appartiennent ni à l’intérieur, ni à l’extérieur. Ils forment une frontière floue, mouvante, sans verdict. À travers eux, on voit la ville, oui — mais comme à travers un souvenir. Les lampadaires y deviennent des signes, les façades des textures, les passants des silhouettes presque fictives. Et de l’autre côté, le calme du lieu : ses livres, ses chaises, ses colonnes. Mais là encore, ce n’est pas vraiment dedans. C’est ailleurs.
Tout l’Atelier semble construit sur ce doute-là. Les fauteuils triangulaires sont des montagnes douces. Les tables n’attendent pas qu’on les utilise, elles rêvent qu’on s’y attarde. Et cette lumière — filtrée, quadrillée, découpée — n’éclaire pas, elle caresse. On se sent chez soi sans y vivre. De passage sans vouloir partir. Ni dehors, ni dedans.
Ici, même le soleil hésite. Il entre en fragment, se pose par taches, laisse des empreintes au sol comme des cartes muettes. À certaines heures, les pixels des vitres se reflètent partout : sur les colonnes, les murs, les livres. Le dehors devient un motif intérieur. Le monde extérieur entre, mais en pointillé.
Et peut-être est-ce cela, au fond, que propose ce lieu : un apprentissage du seuil. Un art de vivre dans les interstices. Lire ici, ce n’est pas fuir le monde, c’est s’y tenir autrement. Pas face à lui. Pas à l’écart. Juste en équilibre.
Ni dedans, ni dehors. Mais exactement là où l’on peut devenir quelqu’un d’autre — ou simplement soi.