Ces derniers jours, à l’Atelier Média, nous avons assisté à une étrange mascarade. Une fête silencieuse, sans fanfare, sans costume — mais avec des masques de papier. Rangés en ligne sur le grand canapé vert, une troupe d’enfants s’est transformée en créatures littéraires, dissimulant leurs visages derrière d’immenses couvertures d’albums jeunesse. On n’a rien vu : ni yeux rieurs, ni dents qui bougent, ni mimiques malicieuses. Juste des pandas, des hérons, des déesses égyptiennes, des poissons sous-marins et un canard très concentré.
On aurait dit un bal masqué organisé par une bibliothèque farfelue. Un carnaval d’imaginaire. Chaque enfant avait choisi son masque : sérieux, rêveur, farouche ou complètement loufoque. Derrière L’heure bleue, un mystique en short. Derrière Bonjour les animaux, un dompteur de mots. Derrière Le secret du pont flottant, sûrement un espion miniature. Quant à celui qui tenait Tout le monde a peur, on espère qu’il allait bien.
C’était une assemblée de lecteurs invisibles, une armée de rêveurs sous couverture. Littéralement.
À l’Atelier Média, il paraît qu’on lit. Mais en réalité, on disparaît. On s’éclipse derrière des pages pleines de mondes, et on revient un peu transformé, comme si on avait croisé un dragon entre les fruits du goûter. Ces masques de papier, c’est leur manière à eux de dire : je suis ailleurs, ne me dérange pas, je suis très occupé à grandir sans bruit.
Et franchement, on les comprend.