Quand elle est arrivée d’Italie, à 16 ans, avec ses cousins, ses tantes, elle avait le droit de s’appeler Madeleine, sur ses papiers français. Depuis quelques années, elle doit de nouveau s’appeler : Magdalena. Alors ceux qu’elle connaît depuis longtemps l’appellent Madeleine et ceux qu’elle connaît depuis pas longtemps l’appellent Magdalena. Et elle en connaît, du monde.
Madeleine-Magdalena vit dans l’immeuble qui surplombe le domaine des Turbulents, au treizième étage. Mais quand je les aperçois, en bas, on se fait coucou ! Elle vient au chapiteau des Turbulents, pour discuter, parce qu’elle est accueillie, parce qu’ici, il y a la gentillesse et le sourire. Et puis je suis venue, la dernière fois, à un spectacle, et ils chantaient des chansons de chez moi. Vous vous rendez compte ? Moi j’arrive pas à lire la langue de mon village et eux, ils la chantent, comme ça. J’ai versé des larmes.
Quand elle est arrivée dans le quartier, y avait pas tout ça, la passerelle, les immeubles modernes. C’était des vieilles baraques, un vieux quartier. Des gens assez malheureux. Le périphérique n’était pas couvert, vous imaginez le bruit. Alors on fait une pétition et ils ont couvert une partie du périph’. À la place du chapiteau, y’avait un vieux garage, qu’ils ont démoli un matin, très tôt. Le monsieur, il pleurait, il l’aimait tellement son garage. Madeleine-Magdalena a fait tous les métiers. Elle a fait le ménage chez la maman de Jean-Patrick Capdevielle et elle a promené le chien d’Alabina. Mais j’ai pris ce que je trouvais, comme travail. Les années soixante, c’était mieux que maintenant mais c’était quand même très dur, pour trouver du travail.
Magdalena nous emmène faire le tour du quartier. On rencontre plein de monde, on prend des rendez-vous. Harvey, des Turbulents, nous accompagne. Jamais on a vu, jamais on ne verra quelqu’un d’aussi bon pour distribuer les tracts.