M’est revenu à l’esprit le spectacle que j’ai vu la semaine dernière à Lamballe qui précédait le colloque sur l’adolescence, Chatroom. Le spectacle parle d’un adolescent qui veut se suicider, encouragé à le faire par d’autres adolescents avec qui ils discutent sur internet. J’avais un peu oublié ce spectacle et combien ça m’avait bouleversé au point que je voulais monter sur scène pour dire qu’on pouvait peut être voir les choses autrement… J’avais l’impression de non assistance à personne en danger et je pensais bêtement à tous ces spectateurs qui entendaient dire des choses pareilles. Pour plus de la moitié, des jeunes gens. Parce que pendant tout le temps du spectacle on est en empathie totale avec le jeune garçon qui raconte sa douleur et son impossibilité de vivre. Quelle vision trash de l’adolescence! Cela ouvrait d’une certaine manière la journée de colloque. J’en ai discuté un peu avec la metteure en scène le lendemain matin. Je lui ai dit combien j’étais bouleversé, que le acteurs jouaient formidablement bien. Je n’arrivais pas cependant à sortir de ma colère. Pendant le spectacle, je me suis retrouvé dans une situation de complète impuissance. Dans la consommation d’un spectacle qui me touchait au plus profond de ma sensibilité sans pouvoir agir. On utilise souvent cette expression aujourd’hui mais je n’en trouve pas d’autre, j’ai cette impression d’avoir été pris en otage par l’histoire qu’on me racontait. Pendant le colloque on a peu reparlé du spectacle.
Je crois que pendant le spectacle je ne faisais plus la différence entre la vie et la fiction. Comme ce spectateur, un jour, à la fin de la double inconstance de Marivaux qu’on avait monté au Ballatum qui criait au voleur! au voleur! et puis ensuite qui disait il a volé l’amour… Il parlait du spectacle en criant. Très en colère. J’ai vu le spectacle du CNAC dimanche après midi. C’était plus calme et plus joyeux.
Je devrais retourner plus souvent au spectacle puisque maintenant je confonds la réalité et la fiction. Je me suis souvenu aussi d’un spectacle de Castelluci où je m’étais demandé pourquoi des artistes se complaisent dans le mortifère. Dans Chatroom au delà de l’histoire des adolescents, il y a un puissant désir de mettre la mort en scène. Et une attirance. Comme chez Castelluci. Une certaine vision nihiliste du monde. On pourrait dire surtout pas politique… Parfois atroce et intolérable(chez Castelluci). J’ai pensé au métier de vivre de Pavese. On peut toujours fermer un livre. Au théâtre c’est plus difficile.