BANDEAUBS1119Base 11/19, c’est d’abord un nouveau spectacle de cirque. Un spectacle de cirque, danse, théâtre, vidéo. C’est dire qu’on va raconter ce qu’est le 11/19 entre danse, cirque, texte et vidéo suite à nos travaux dans les quartiers. Le site du 11/19, c’est le carreau de mine où se trouvent les puits 11 et 19, à Loos-en-Gohelle, dans le bassin minier du Pas de Calais. Le 11/19, c’est le lieu où sont installées la scène nationale Culture Commune et notre compagnie, HVDZ. Faire un spectacle à partir du 11/19, c’est raconter ce qu’on y fait et ce qui nous y a amenés et tout… C’est un lieu très marqué, un lieu de présence ouvrière. Parler de l’histoire passée et présente. On sait très bien qu’on ne pourra pas tout dire. C’est parler d’un combat, d’une volonté de créer ensemble des nouvelles formes d’art, en lien avec les populations des cités ouvrières au centre desquelles se trouvent le 11/19. « Pour changer le monde » comme dirait Marx et « changer la vie » comme dirait Rimbaud.

6-Christophe_Raynaud_de_LageCarnet Guy Alloucherie – Novembre 2006
Faire Base 11/19
Faire comme Christian Boltanski ou Sophie Calle. Engager un détective privé. Engager un détective privé qui suivrait un détective privé qui me suivrait pour qu’ils me disent précisément où je vais. Puis exposer comme Sophie Calle rapports et photos des détectives privés qu’on appellerait – compte rendu de filature d’un enfant de mineur au théâtre. Enfin, voir… Au théâtre, c’est vite dit, au cirque plutôt parce qu’au fond ce qui l’emporte dans tout ça c’est le cirque. Et… faut dire les choses comme elles sont, c’est du cirque. Et si je n’avais pas croisé le cirque sur ma route, je ne sais pas bien à l’heure actuelle où j’en serais. Le cirque, le 11/19 et Eric Lacascade. Trois piliers de la raison d’être de ce que je fais. Parce que sans le cirque, sans Eric Lacascade et sans le 11/19, je n’aurais rien pu faire. C’est là dessus qu’il faut revenir. Comme à l’endroit d’où je viens, les cités ouvrières et toutes ces influences politiques et esthétiques mêlées. L’impossibilité de tenir en place. Un mélange d’hyperactivité et de maniaco-dépression.

J’ai pensé à Base 11/19 ,
un nouveau spectacle… Parce que je venais de relire un livre écrit il y a quelques années par Francis Peduzzi et Alain Grasset, Contributions comme une façon de participer au débat sur l’état des rapports du spectacle vivant et des publics. J’ai relu Contributions avant de me plonger dans le livre de Jean Claude Wallach qui s’intitule La Culture pour qui ? Et je suis allé relire ou lire parce que je n’en avais parcouru que des bribes, les actes des discussions qui ont été organisées dans le cadre d’une enquête sur les nouveaux territoires de l’art , menée par Fabrice Lextrait. Ces discussions réunissaient les porte-paroles d’équipes d’artistes et de techniciens installés dans des friches industrielles. Nous nous retrouvons avec nombre d’entre eux au sein de l’association Autres Parts au nom d’une autre relation à l’art et aux populations, pour une véritable démocratie culturelle.

J’ai pensé à faire Base 11/19 ,
un nouveau spectacle du nom du lieu où notre compagnie est installée. Un ancien carreau de mine. Nous sommes compagnie associée à Culture Commune scène nationale de bassin minier du Pas-de-Calais. On ne fait pas du théâtre au milieu des cités ouvrières sans tenir compte de ce qui s’y passe et prendre parti. Et puis parce qu’un jour le fils Lherbier, il n’est pas rentré de la mine. Il est mort dans un accident au fond de la mine. On n’en a pas beaucoup parlé. On savait que ça pouvait arriver n’importe quand. Alors on a dit que c’était comme ça. Que parfois ça arrivait. Un éboulement et un type disparaissait. C’était son dernier fils à Lherbier. Lherbier, le père il avait été mineur et il réparait nos chaussures. C’était le cordonnier des corons.
Je me souviens de mon cousin, Christian Lesur, qui travaillait aux Trois Matelots à Lillers, le fils d’Abel et de ma tante Miriane. A l’heure qu’il est l’usine est fermée, délocalisée et les gens au chômage…

Ferfay, c’était un village divisé en trois parties, deux cités et un centre et… les gens ne se mélangeaient pas. Les gens des corons étaient mal vus. Et nous, on pensait que les gens de l’extérieur qui s’intéressaient à nous, ça ne devait pas être des gens bien puisque les gens bien nous méprisaient. Tu vois quoi !

J’ai pensé à Base 11/19 , à faire ce nouveau spectacle parce que je voulais raconter que :
A l’époque de la ducasse, à Ferfay, les corons d’où je viens, je faisais des allers retours entre chez moi et el’plache où avait lieu la ducasse, pour réclamer l’air de rien quelques francs à ma mère pour quelques tours de manège. Al allot quère d’el monnaie dins sin porte monnaie dins ch’tirroir dech’ buffet. Après quand j’étos plus grand, j’allos au bal. Il y avait bal à la cité. Il y avait un chapiteau et un orchestre de bal. Devait y avoir bal vendredi, samedi et dimanche. Et bal apéritif le dimanche midi.

J’ai pensé faire Base 11/19 parce que :
Mon père un jour, on était à la maison de retraite à Nédonchel où il était depuis plus d’un an et il me dit parce que je venais de discuter avec la directrice, y me dit : – Tu vas me faire passer pour un flatteur, les autres y vont dire, y veut s’faire bien voir, y est toudis avec la direction. La directrice elle me dit à moi – votre père y parle pas beaucoup, il est très renfermé. Moi – il a toujours été comme ça ! En fait j’ai pensé en moi-même c’est comme ça, y parle pas à la directrice parce que c’est la directrice. Il ne parle pas avec la direction. Il est ouvrier et l’ouvrier se bat avec ses camarades, il ne discute pas avec la direction. Il veut pas être roulé dans la farine même à la maison de retraite.

J’ai pensé à Base 11/19 :
Je me suis penché sur la question de la représentation du monde ouvrier sur le tard comme on dit, en arrivant au 11/19 en fait. Et en lisant Pierre Bourdieu. Je ne sais plus à qui je disais j’ai découvert Bourdieu tardivement et qui m’a répondu, heureusement pour toi ! J’ai dit, pourquoi ? Il m’a répondu sinon t’aurais jamais fait de théâtre. J’ai dit, ça n’aurait peut-être pas été pire.

J’ai pensé à faire Base 11/19 parce que :
Hier dans le journal, j’ai lu qu’un salarié sur huit a un salaire inférieur au salaire minimum ! La multiplication des emplois précaires est humainement une catastrophe. Plus d’un million d’adultes survivent avec le RMI et des millions n’ont que des emplois précaires. Combien de millions de salariés doivent se contenter des conditions de travail et de salaire qui leur sont imposés ? De ce fait, dans tous les pays d’Europe, ce qui va aux salaires dans la richesse nationale a considérablement diminué… La France est, depuis plusieurs années, parmi les deux ou trois pays du globe qui attirent le plus d’investissements étrangers sur son territoire. Nous vivons dans des sociétés de plus en plus riches économiquement. Jamais nous n’avons connu une telle abondance mais jamais non plus, nous n’avons connu autant de chômage.

Je rappelle que nous faisons partie de l’association Autres Parts qui travaille sur la relation Art-Population-Société et que pour nous, l’œuvre est dans cette démarche.Base 11/19 , c’est du cirque qui emprunterait à tous les genres… Cirque, danse, théâtre, vidéo. Pour nous servir de tout et organiser un espace d’improvisations et de possibilités qui donne libre cours aux propositions des interprètes dans tous le domaines. Comme une façon pour chacun de se raconter engagé dans l’action physique, corporelle, nourri de toutes les influences d’un art qui met en jeu le corps et la politique, le corps face à la politique et la politique face aux corps. Le corps physique en résonance. Mesurer l’impact du social sur le physique et inversement. Comme réponse qui tiendrait du possible de l’impossible ou de l’impossible du possible…

J’ai pensé à faire un nouveau spectacle Base 11/19 parce que :
Avec toute l’équipe HVDZ et Culture Commune, on mène depuis quelques temps une action artistique dans les quartiers. Une action qu’on appelle La Veillée et qui consiste tout simplement et par tous les moyens cirque, danse, théâtre, vidéo, à aller à la rencontre des gens. Un jour, au cours d’un travail sur une Veillée à Barlin, j’ai rencontré Mme et M. Hallez, responsables du comité des fêtes à la Cité 5 de Barlin. A un moment donné de la discussion, ils m’ont demandé pourquoi on faisait ça et je leur ai dit – pour ça, pour cette rencontre là. Comme dirait Nietzsche, débarrassé du poids du passé et des illusions de l’avenir, être dans le présent, dans cette sensation de l’éternité du présent ! Les Veillées sont faites de toutes ces rencontres et, d’allées et venues, de promenades, de marches dans les rues et d’interventions artistiques qui mettent en jeu les habitants des quartiers pendant le temps de nos résidences. Cette action artistique, nous l’avons menée dans des quartiers et des villes différentes à Lillers, Bourges, Bergerac, Barlin, Béthune, Lens, Liévin, Torcy ou Calais.

Vidéos

Conception

Guy Alloucherie / Martine Cendre / Howard Richard

Mise en scène – Guy Alloucherie
Dramaturgie et conception sonore – Martine Cendre
Chorégraphie – Howard Richard
Scénographie – Guy Alloucherie, Frantz Loustalot
Collaboration plastique – Flora Loyau
Conception technique et éclairages – Frantz Loustalot
Réalisation vidéo – Jérémie Bernaert
Construction agrès – Emmanuel Céalis
Construction décor – Olivier Gauducheau
Régie son – Benjamin Miquet
Régie plateau – Pierre Staigre
Production et administration – Maggie Delèglise, Olivier Fauquembergue et Sandrine Leblond

Avec : Lionel About, Guy Alloucherie, Frédéric Arsenault, Mathilde Arsenault-Van Volsem, Frédéric Barrette, Camille Blanc, Blancaluz Capella, Martine Cendre, Didier Cousin, Alexandre Fray, Manuelle Haeringer, Dorothée Lamy, Marie Letellier, Rafael Moraes

 

Production Compagnie Hendrick Van Der Zee
en coproduction avec Culture Commune – Scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais
La Comédie de Béthune – Centre dramatique national Nord-Pas-de-Calais
Le Fanal – Scène nationale de Saint-Nazaire
L’Odéon – Théâtre de l’Europe
Le Théâtre de Cavaillon – Scène nationale
Le Théâtre des Salins – Scène nationale de Martigues
avec le soutien de la ville de Lens
avec l’aide à la création cirque de la DMDTS