A l’époque des Sublimes, on était allé plusieurs fois à Calais, dans la Jungle après la démolition du hangar de Sangatte. Nous avions rencontré Mireille qui faisait partie d’une des premières associations qui venaient en aide aux migrants. Nous avions réalisé Les Sublimes, spectacle dans lequel Mireille apparaissait en vidéo et prenait la parole au nom des migrants.
A l’époque, elle hébergeait tous les jours des migrants chez elle. Nous étions retournés, quelques mois après la création du spectacle, dans la jungle et nous avions décidé de faire un film avec Mireille que nous avons intitulé, « Oh Mamy ».
Ce film a tourné dans beaucoup de festivals de documentaires engagés et alternatifs. Nous nous disions alors que nous ferions d’un prochain spectacle, un spectacle sur les migrants. C’est d’ailleurs ce que nous avions proposé à G.Lavaudant qui dirigeait l’Odéon. Mais nous avons très vite eu l’intuition qu’il nous manquerait un regard, pour justifier que le théâtre s’empare de cette réalité.

Dans « les Sublimes », nous abordions ce sujet comme un élément parmi d’autres.  Ce spectacle racontait un monde livré au capitalisme ultra libéral, impitoyable, belliqueux qui réduit les plus pauvres au chômage, la mendicité et l’exode.
Aujourd’hui les choses n’ont guère changé, voire elles se sont gravement détériorées.

Notre envie initiale de faire un spectacle sur le sujet des migrants ne nous a jamais quitté, mais nous savions bien que nous ne saurions pas en parler comme les journalistes, les sociologues ou les philosophes. Le théâtre est le lieu du poème, de la musique alors il nous fallait trouver le poète, l’écrivaine qui, dans une langue autre, complètement singulière, sache s’emparer d’un sujet d’actualité, d’un sujet d’histoire pour en faire une œuvre, dans la langue qui est sienne et unique. Quitte à ce que ce qui soit dit, mette à jour, ce que personne là-dessus n’avait vu ni entendu.

NO BORDER est un texte inspiré d’un travail d’écriture de terrain que j’ai mené pendant deux ans à arpenter la « Jungle » de Calais à la rencontre des exilé(e)s hommes et femmes qui fuient la guerre et la dictature dans leurs pays et qui espèrent trouver asile en Europe.
NO BORDER est un « poème » ininterrompu, pensé pour 1 ou 15 ou X (acteurs chanteurs danseurs et circassiens), un monologue pluriel et haletant imaginé comme la flamme fragile que se passe de main en main les coureurs de marathon. Il n’y a pas « d’histoire » à proprement parler, NO BORDER c’est une sorte de tour de Babel, un édifice d’âmes multiples qui s’inscrit dans l’écriture comme un impétueux torrent, comme une vague qui submerge, c’est une lutte âme à âme qui parle du combat du vouloir vivre de celles et ceux qui franchissent les océans les murs les frontières au péril de leurs vies et que je tente de construire en miroir avec nos propres migrations intimes, nos propres errances et questionnements sur la question des moteurs de la violence d’aujourd’hui, de la « déshumanisation » , du sens de la communauté et de l’état de notre démocratie.
NO BORDER, c’est une odyssée faite de milles voix, mille espoirs inassouvis, mille révoltes inconsolables, c’est aussi en filigrane l’histoire de ma propre traversée à arpenter sans relâche le ghetto calaisien nommé « Jungle » à la rencontre des exilé(e)s au bord du monde.
N.Prugnard

Comment parler de cette histoire sans redire ce qu’on sait déjà et dire que rien ne bouge, que ça s’empire, que c’est une honte de traiter des gens de la sorte, des gens dont le seul tort est de fuir des pays en guerre, comme la Syrie ? Comment trouver la forme poétique qui parle de tout cela, qui parle des gens, qui rend compte des témoignages, qui rend compte de la solidarité des gens, des associations, et des groupes de migrants entre eux, des fêtes qui s’organisent dans les camps, des chants, de la musique, de la vie qui s’organise malgré tout dans la Jungle ? Comment rendre compte de tout cela, si ce n’est qu’il faut trouver une écriture, une forme d’art qui tiendrait de la réalité, pour la dénoncer et aussi en faire une force de vie ?
Après Angelica Liddell et le spectacle Aimer si fort, inspiré de la Maison de la Force, aujourd’hui, c’est avec la force artistique de Nadège Prugnard qui sait jouer de la poésie, du formel, de l’émotionnel et de la violence, combinée à notre manière de travailler avec acrobates et danseurs, que nous réussirons à faire des réfugiés, des Sublimes. »
Guy Alloucherie

« No Border » est un projet initié par la compagnie Hendrick Van Der Zee, dirigée par Guy Alloucherie, texte de Nadège Prugnard.

Création 2018

Mise en scène Guy Alloucherie – Écriture et interprétation Nadège Prugnard – Chorégraphie Pascaline Verrier – Création sonore Forbon N’Zakimuena – Création vidéo Jérémie Bernaert – Création lumière Claire Lorthioir (Jean-Louis Vandervliet) – Régisseur son Simon Masson (Romain Duhamel) – Technicien plateau Christophe Guilloteau – Danse Gumboots Johannes Leroy –  Artistes sur le plateau Nadège Prugnard (comédienne), Blanca Franco (danse et cirque), Sébastien Davis Vangelder (danse et cirque), Mourad Bouhlali (danse et percussion corporelle), Hervé Hassika (danseur), Forbon N’Zakimuena (musique live).

 

Production : Cie HVDZ / Coproduction : Culture Commune – scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais ; Le Bateau Feu, Scène nationale de Dunkerque ; l’Agora, Scène nationale d’Evry et de l’Essonne ; Agora, Centre culturel, PNAC Boulazac Aquitaine / Soutien : Conseil départemental de l’Essonne / Accueil en résidence : Culture Commune – scène nationale du Bassin minier du Pas-de-Calais ; La Comédie de Béthune, Centre Dramatique National / La Cie HVDZ est soutenue par la DRAC Hauts-de-France, le Conseil Régional Hauts-de-France, le Conseil Départemental du Pas-de-Calais.

Teaser du spectacle (prise de vue Digital Vandal / montage Martine Cendre)