La Philosophie de l’arc

Didier, Damien et Lucien étaient samedi après-midi dans le petit local derrière la grande salle de l’école des garçons, au milieu des arcs accrochés au mur pour interviewer Mr Fievet et Mme Pollet du Club de tir à l’arc. Ces deux passionnés nous expliquent les différences entre l’arc et son cousin à poulie : le compound, la façon dont ils sont arrivés là, le beau parcours de Mme Pollet, qui a été loin dans les championnats de l’équipe de France, se battant sur la route pour être reconnue dans ce sport en tant que femme. C’est elle qui entraîne aujourd’hui les jeunes et moins jeunes recrues.

Le tir à l’arc est très actif à la Cité des Provinces, à la fois pour les adhérents, mais aussi lors des Temps d’Activités Périscolaires avec les enfants de l’école, ou encore avec les personnes handicapées d’ici et d’ailleurs. Il y a une équipe qui participe aux Championnats de France Handisport.

Parfois le club part en virée pour organiser un safari avec des animaux de la jungle (crocodiles, lions, etc.) reconstitués en 3D !

M. Fievet et Mme Pollet s’assombrissent légèrement quand on évoque la reprise de l’association par la future génération. Ils ne voient pour le moment pas qui aimerait assurer la relève.

Pendant ce temps, Jérémie et Mourad prennent des images de l’attaque à l’arc du cerf en mousse qui brame désespérément.

C’était mieux maintenant

Madame Bichon nous attendait un peu plus tôt. C’est lundi, il neigeait, la route était boueuse et nous sommes en retard. Madame Bichon nous dit d’emblée qu’elle n’est pas à l’aise devant la caméra, mais elle a finalement plein de choses, de trucs, de machins intéressants à raconter sur la cité des Provinces où elle a presque toujours vécu. Quand elle raconte, on peut se figurer un tableau très vivant: les gens, dehors, qui sont liés par leurs relations de travail, de voisinage, d’amitié. Les enfants qui jouent dans les rues pavées ou « au champ » (qui était en fait une sorte de petit bois et qui est devenu le citystade). Les voisins qui se dépannent d’un peu de sucre ou d’un bricolage à accomplir.

Madame Bichon compare le passé et le présent. Si elle dit souvent que c’était mieux avant, en l’écoutant on trouve quand même que c’est pas mal maintenant aussi. Le monde a changé, c’est sûr. Peut-être effectivement est-il plus violent. Peut-être passe-t-on plus de temps devant la télé et moins de temps dans la rue, et ça distend les liens. Peut-être les enfants grandissent-ils avec un cadre moins strict. Pourtant, des personnes comme Madame Bichon, qui aiment à accueillir les étrangers, qui font attention à ce que les enfants d’aujourd’hui ne vivent pas les mêmes difficultés que les enfants d’hier, qui voient les qualités d’autres cultures que la sienne, des gens comme ça nous font nous dire que c’est pas si mal, maintenant, à la Cité des Provinces.

Porte à porte dominical

Didier et Lucien faisaient du porte-à-porte ce dimanche après-midi dans la rue Saint-Pierre pour proposer aux habitant.e.s de participer aux portraits chinois et citations face caméra.

Certain.e.s semblent s’être absenté.e.s, d’autres avec qui nous discutons longuement ne veulent pas être filmés. Alors peut-être que dans le film on ne verra pas que nous nous sommes sentis bien accueillis ce dimanche, mais ce Welcome pailletés sur porte fermée ressemble bien à notre après-midi.

et tombe la neige, impassible manège…

Ce matin, les équipes se sont rendues de justesse à leur rendez-vous: on avait prévu les bouchons matinaux de sortie de grande ville, mais on avait pas prévu de se prendre une telle averse de neige. Problématique routière mais nous sommes finalement tou-te-s arrivés à l’heure pile à nos divers rendez-vous:

Mourad, Marie 1, Damien et Jérémie dans les classes de l’école élémentaire Pasteur; Lucien, Marie 2 et Marie 3 chez Madame Bichon, habitante de la rue d’artois et Guy et Didier avec les ouvriers de Récup’tri. Martine monte tout ce qu’on a déjà filmé depuis notre arrivée samedi matin.

Hier soir, Didier et Martine ont joué leurs petites formes dans le beau gite en bois d’Elsa et Pierre, nous étions 17 bien serrés, bien au chaud à les écouter et regarder leurs propositions puis nous avons pris un pot de l’amitié tous ensemble.

On était bien…

 

La cité des provinces, cité du monde

Tous de retour au quartier général, 11 rue du Lyonnais, cité des Provinces, à Lens. On a travaillé fort aujourd’hui. Parcouru la cité dans tous les sens. Plus de six kilomètres de cité des Provinces. Croisé plein de gens. Mangé une tarte aux myrtilles chez l’ancien directeur de l’école du quartier et président de l’association du tir à l’arc. Discuté cinq minutes avec des jeunes ados qui adorent le rap, Rohff, 2pac et les frites. Rentré chez une dame qui avait bloqué sa grille d’entrée avec un tendeur qu’on a ouverte. Marie L. nous a crié qu’un chien courrait sur nous. Un american staff. On a fait demi tour et on a refermé la grille avec le tendeur avant que le chien n’arrive à nous. Rencontré des jeunes qui venaient tout juste d’emménager. Sur la cité des Provinces depuis deux jours. Le jeune Thomas a bien voulu répondre à nos questions et dire une citation parmi toutes celles qu’on lui proposait. Frappé chez une dame qui ne se remettait pas de la mort de son mari à la mine. Il y a longtemps. N’a jamais pu accepter cette insondable injustice. Croisé des gens qui répondent aux questions mais ne veulent pas être filmés. Plein d’habitants nous disent qu’ils viendront voir le fim-spectacle dimanche à 11h ou 15h. Là où nous avons réalisé nos Veillées (ancêtres des portraits), là sur la cité des Provinces, là où on nous parlait toujours de la mine, l’histoire se transforme, les gens n’ont parfois plus de lien familial avec ce qui fut la culture de dizaines de générations. Il reste l’inscription de bassin minier au patrimoine mondial de l’humanité. Et la Base 11/19 et ses sublimes terrils.

Armelle

Jérémie, Mourad et Marie S. se sont fait invités cette après-midi par Armelle à boire un café. Résultat des courses, ils sont restés une bonne grosse demi-heure avec elle.

Armelle est une femme de caractère, elle nous dit que c’est comme cela, la vie est un combat. Si on ne frappe pas du poing sur la table, souvent on a rien. Pour illustrer ses propos, elle nous raconte une anecdote (vous qui êtes venus pour cela nous dit-elle), celle de l’obus.

Armelle est fan de jardinage, et quand elle est arrivée dans sa maison, le jardin était nivelé et plein de déchets de briques y étaient laissés par les ouvriers. Avec sa famille, ils décident de remettre le jardin en état. Les voilà partis à coup de pelles et de pioches, et Armelle cogne contre quelque chose: un obus. Armelle qui n’a peur de rien le prend dans ses mains et le sort de terre. Puis, elle appelle la préfecture (un samedi ) qui lui dit qu’une équipe de déminage sera là dès le lundi. Armelle qui travaillait toute la journée dit donc à sa plus grande fille de rester à la maison le lundi. La jeune fille attend toute la journée, personne ne vient.

Elle rappelle la préfecture. Une dame lui dit que, peut-être, ils viendront, que si c’est un obus explosif, de toute façon, ils le remettront en terre dans son jardin. Armelle leur dit qu’elle a 4 enfants, que depuis qu’il y a cet obus dans son jardin, elle ne dort plus. Alors qu’ils ont intérêt à faire quelque chose. L’autre oreille au bout du téléphone n’a pas l’air plus émue que cela. Alors Armelle tape du poing sur la table. Elle leur dit que si une équipe de démineurs ne vient pas dans la journée, elle prend elle-même l’obus pour venir le lâcher dans le bureau de la préfecture, et que si les démineurs viennent et ré-enterrent l’obus chez elle, elle appellera la presse.

Et bah, bim bam boum, l’obus fut emporté en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.

Elle est comme cela Armelle. Accueillante et battante.

 

Y a que les routes qui sont belles…

Cet après-midi, nous avons rencontré Christiane. Au départ, elle nous dit qu’elle est retraitée et qu’elle aime jouer à la belote.

On continue à discuter et on découvre qu’elle écrit parce qu’elle pense qu’il faut informer les gens, ils faut que les gens comprennent le monde pour être plus forts.

Elle a été Taxi parisien et elle a rencontré plein d’hommes politiques, des hommes de mains du gouvernement. Elle nous dit que ces gens-là ne les considéraient pas car ils étaient des petites mains, des moins que rien mais qu’en fait, les petites mains voient et comprennent plein de choses. Notamment elle, en tant que taxi parisien, elle a vu des magouilles politiques, des trafics et elle a décidé de tout écrire. Elle veut informer les gens. Elle nous dit que si les gens étaient réellement au courant de tout ce qui se passe, ce serait la révolution.

Elle nous dit que le vrai travail de journaliste, c’est un travail important, qu’il faut du cran pour faire cela.

Elle nous dit que l’important dans la vie, c’est d’aimer les gens pour ce qu’ils sont, de les connaitre: les petits, les gros, les grands, les noirs, les handicapés, tout le monde. Que le simple fait d’être ensemble et de partager un moment mérite de l’amour. Elle nous dit qu’elle a créé un parti politique indépendant. Elle nous souhaitent une belle vie, nous dit « courage et gros bisous » et nous partons….