Le temps en prison? (quelques phrases volées)

Le temps passe plus vite en prison que dehors, la routine c’est différent de dehors.

Le sport on en fait, pour certains 1h1/2 à 4h par jour. Oui le temps est différent de dehors.

Se focaliser sur les choses ça me rend nerveux.

Le temps le premier jour où t’arrive ici c’est dur.

Le temps ça dépend comment on s’occupe.

Ici tu peux pas avoir de projet.

Tu penses pas à l’avant, pas à l’après.

Moi je fume, et quand il n’y a plus rien à fumer, là c’est dur.

La prison tu sens l’heure passer, l’heure est lourde.

Si t’as une bonne organisation, t’as une bonne détention. L’organisation c’est le parloir, l’heure du réveil, du coucher. Moi je cherche à respecter des heures.

Le sport est le meilleur remède.

La tombée de la nuit, c’est là le meilleur, y’a une journée en moins.

Du moment que la journée passe, le soir c’est autre chose. C’est tous les jours la même chose.

La gamelle, l’appel, la promenade, … le soir c’est à 18 heures. Vous êtes dans un autre rituel. On est libre dans la cellule. C’est notre temps d’intimité.

Y’en a beaucoup qui pleure le soir. Ça s’entend d’une cellule à l’autre.

Faut pas pleurer après ce que tu as fait, on fait des erreurs dans la vie et quand t’es ici, faut accepter.

Moi j’ai déjà fait du théâtre, le travail ensemble, le final, les échanges, tout ça nous a apporté.

2 MARS: première séance avec le groupe fixe qui va faire le film-spectacle avec nous…

Arrivés dans la salle cellule d’atelier. C’est étroit, les murs peints en bleu, les fenêtres et barreaux donnent sur le terrain de foot. On installe le video projecteur, au bout des tables disposées en T. 10 chaises sont installées autour pour recevoir 10 personnes détenues. Un est absent mais devrait nous rejoindre très certainement d’ici 2 séances.

Nous sommes accompagnés de Marie-Anne du théâtre de l’Agora, commanditaire de la veillée et partenaire du Service Pénitentaire et de Probation (SPIP) & de Josepha, qui fait son service civique au SPIP.

Martine & Didier se présentent, parlent de la démarche de la Cie.

La première question posée par une personne détenue : qu’est-ce qui vous a amenés ici?

Marie-Anne explique la relation de la Cie HVDZ avec l’Agora et la relation de l’Agora au territoire. La maison d’arrêt est sur le territoire d’action de l’Agora.

Un DVD de veillée est diffusé après avoir accroché des serviettes éponges et foulards proposés par les détenus, sur les fenêtres. Une première réflexion, sur les groupes scolaires en photos de groupe, à Dunkerque : “y’a pas beaucoup de noirs!”

Questions : “Y’a un message que vous devez faire passer ?”

« Pourquoi faire un film, écrire des textes de prisonniers pour parler de la prison ? » Donc important d’insister sur le fait que nous ne sommes pas là pour parler que de la prison mais de plein de sujets, comme le temps par exemple.

le temps des cerises

Qu’est que Tsipras et Podemos pourront bien faire maintenant qu’ils sont au gouvernement ? Et les nuit debout ? Il faut être pessimiste actif. Un mouvement s’est enclenché, la loi sur le travail imposée au parlement en désaccord complet avec les promesses de gauche et les nombreuses mobilisations à travers tout le pays qui ont et auront lieu, tout cela est l’étincelle qui peut mettre le feu à la plaine. Le combat qui se prépare est une lutte de longue haleine, car les riches, les capitalistes ne sont pas près à lâcher quoique ce soit de leurs privilèges et à changer leur système pour plus de justice et d’égalité. L’Europe est construite sur des valeurs qui profitent aux plus fortunés. C’est l’Europe entière qu’il faut changer. No Border. Les nuits debout seront longues mais l’opposition aux valeurs de profit, de rentabilité, de concurrence où l’homme est un loup pour l’homme est engagée et nous sommes très nombreux à nous y reconnaître. Même s’il faut du temps, ce mouvement va prendre de l’ampleur et tout un chacun se sentira concerné. Déjà sur place, dans les discussions, dans l’organisation des prises de décisions et de paroles se dessinent une autre manière de faire de la politique, qui annonce (même si ça prend du temps) des lendemains qui chantent.

est ce que ça a vraiment existé ?

On a une semaine un peu plus calme devant nous. Par rapport à tout ce qu’on a fait depuis le début de saison. On est un peu inquiet parce qu’on n’a plus de nouvelles de Ricarco Montserrat et des Tréteaux de France. On doute toujours de savoir si l’année prochaine, on fera quelque chose là-bas. Mais le doute est très français, puisque c’est une philosophie des plus représentatives du courant philosophique français depuis les origines de la philosophie. Descartes est le maître du doute et si on pense philosophie française, on pense Descartes, cogito ergo sum qui deviendra à la fin de sa vie dans sa forme définitive ergo cogito ergo sum. On passe du je pense donc je suis à je pense, je suis. Mais que c’est difficile de douter, il a fallu que Descartes s’invente un malin génie qui s’évertuerait à nous faire douter de tout. Jusqu’à devenir, nous mêmes, ce malin génie qui comme les fous, , dans la souffrance et aussi par orgueil et détermination n’en font qu’à leur tête et ne croient que ce qu’ils veulent croire en dehors du reste du monde, de manière totalement subjective. Si nous doutons, ça n’est jamais sans difficulté, ni sans angoisse.

D’une prison, l’autre

C’est la descente après l’euphorie de ces derniers jours. C’est bien connu. Ma mère était coutumière du fait. Quand le dimanche, on recevait mes frères et soeurs à la maison, à peine étaient-ils partis, rentrés chez eux, qu’elle s’effondrait. C’est la vie, comme dirait Marie. Mais ça cogne. C’est un long et douloureux combat contre soi-même. Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, sur l’esprit gémissant, en proie aux longs ennuis... J’avais doublement peur de ces soirées, peur de la réaction de ma mère et peur, moi aussi, du vide et de la joie envolée, que mes frères et soeurs faisaient disparaître, en quittant la maison. Quand c’était possible, j’allais vite rejoindre mes camarades sur le terrain de football pour taper dan le ballon. J’aurais pu être un grand joueur, j’aurais joué à Lens. Comme V., qu’on a rencontré à Fleury, mais (tout seuls assis such’trottoir, nos pieds dinch’ rucheau) nos rêves étaient trop beaux .

le jour qui suit la Veillée de la maison d’arrêt

On s’est quitté avec beaucoup de difficultés hier soir. Les comédiens (des personnes détenues à Fleury Mérogis) ont quitté le théâtre de l’Agora d’Evry vers 21h40. On s’est promis qu’on se reverrait. La soirée fut humainement très forte. Artistiquement on a fait des choses qu’on n’avait encore jamais faites. Quelle claque ! Pour nous tous ! On rentre épuisé mais content. On a vécu hier des moments incroyables. Jamais après un spectacle de la compagnie, on a vu le public poser un si grand nombre de questions aux comédiens. On attendait beaucoup moins de monde au spectacle. Les gens sont venus de partout. On avait un public mélangé qui mêlait tous les milieux, toutes les classes sociales. les comédiens ont interprété leur rôle à merveille. On a vécu une très belle  aventure. Sans conteste le spectacle a continué dans la salle après le spectacle. Les comédiens se sont emparés des micros pour poser mille questions au public qui, en retour leur a posé deux mille questions. On a rarement vu un public se séparer des acteurs avec autant d’amour. Il s’est créé comme une communion entre la salle et la scène. Un geste d’espoir, dans les rires et les larmes, une main tendue vers l’autre. C’est du théâtre, forcément, que voudrait on que ce soit d’autre, c’est tout ce qu’on sait faire. Du théâtre. Humain, infiniment humain. On n’en sort pas indemne mais troublé, changé. Révolté.