No Jungle

A l’époque des Sublimes, on était allé plusieurs fois à Calais, dans la Jungle après la démolition du hangar de Sangatte. Nous avions rencontré Mireille qui faisait partie d’une des premières associations qui venaient en aide aux migrants. Nous avions réalisés Les Sublimes, spectacle dans lequel Mireille apparaissait en vidéo et prenait la parole au nom des migrants. A l’époque, elle hébergeait tous les jours des migrants chez elle. Nous étions retournés quelques mois après la création du spectacle dans la jungle et nous avions décidé de faire un film avec Mireille que nous avons intitulé, Oh Mamy. Ce film a tourné dans beaucoup de festivals de documentaires engagés et alternatifs. Nous nous disions alors que nous ferions d’un prochain spectacle, un spectacle sur les migrants. C’est d’ailleurs ce que nous avions d’abord proposé à G.Lavaudant qui dirigeait l’Odéon. Mais nous avons très vite eu l’intuition qu’il nous manquerait un regard, pour justifier que le théâtre s’empare de cette réalité. Dans les Sublimes, nous abordions ce sujet comme un élément parmi d’autres qui racontaient un monde livré au capitalisme ultra libéral, impitoyable, belliqueux qui réduit les plus pauvres au chômage, la mendicité et l’exode. Aujourd’hui les choses n’ont guère changé, voire elles se gravement détériorées. Notre envie d’alors de faire un spectacle sur le sujet des migrants ne nous a jamais quittés, mais nous savions bien que nous ne saurions pas en parler comme les journalistes, les sociologues ou les philosophes. Le théâtre est le lieu du poème, de la musique alors il nous fallait trouver le poète, l’écrivaine qui dans une langue autre, complètement singulière sache s’emparer d’un sujet d’actualité, d’un sujet d’histoire pour en faire un poème, dans la langue qui est sienne et unique, quitte à ce que ce qui soit dit, mette à jour, ce que personne là dessus n’avait vu ni entendu. Nadège Prugnard est depuis des mois dans la Jungle de Calais et recueille des bruits des sons des paroles, des cris qui sont la rage de l’injustice. Autant de matières qui sont le terrain de son écriture. A la fois le terrain de son écriture et source de réinterprétation pour les acteurs (comme le propose Nadège à chaque détour de phrase). Les acteurs doivent se réapproprier le texte, l’improviser, le malaxer, le forcer, de telle sorte qu’il soit le leur et qu’il sonne comme valeur universelle. Ce qu’on cherche, c’est à dépasser le sens et à montrer à voir ce à côté de quoi on est toujours passé.

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