Sylvia Path, carnets intimes, page 18

Désormais je parlerai toute les nuits à moi même. A la lune. Jemarcherai, comme je l’ai fait ce soir, jalouse de ma solitude, dans le bleu argenté de la lune glaciale, qui miroite sur les congères de neige fraîche en renvoyant des milliers d’étincelles. Je me parle à moi-même en contemplant les arbres sombres, d’une bienheureuse neutralité. C’est tellement plus facile que d’affronter les gens, que de devoir paraître heureuse, invulnérable, intelligente. Tous masques ôtées, je me promène en parlant à a lune, à cette force neutre et impersonnelle qui n’entend pas, mais qui se contente tout bonnement d’accepter mon existence. Et qui ne m’écrase pas. Je me suis rendue auprès du garçon de bronze que j’aime tant, en partie parce que personne ne s’intéresse à lui, et j’ai essuyé la neige qui recouvrait son visage délicat et souriant. Sombre, il se tenait là dans le clair de lune, la neige rehaussant de blanc le contour de ses membres ; planté dans le demi-cercle de la haie de troènes, en équilibre sur un pied creusé de petites fossettes, il portait dans ses bras, sans pour autant cesser de sourire, son dauphin aux courbes ondoyantes.

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